La Commission européenne a demandé à la France, dans un délai de neuf mois, de modifier sa législation afin de supprimer les entraves aux règles du marché intérieur qui résultent des droits spéciaux de distribution des livrets A et bleu octroyés à la Banque Postale, aux Caisses d'Epargne et au Crédit Mutuel. Cette demande, fondée sur l'article 86 paragraphe 3 du Traité, fait suite à l'examen des réponses apportées par la France et l'ensemble des parties intéressées à la lettre de mise en demeure envoyée par la Commission en juin 2006 (voir IP/06/746). La Commission considère que les droits spéciaux de distribution en cause constituent une restriction incompatible avec le droit communautaire et ne sont pas indispensables pour assurer de manière satisfaisante les deux services d'intérêt économique général invoqués par les autorités françaises, à savoir le financement du logement social et l'accessibilité aux services bancaires de base. La modification demandée du mode de distribution des livrets A et bleu ne remet pas en cause les missions d'intérêt général qui y sont attachés et n'implique aucun changement défavorable dans le fonctionnement de ces livrets pour les particuliers.La Commissaire en charge de la concurrence, Neelie Kroes a déclaré : «Avec cette décision, la Commission ouvre la distribution des livrets A et bleu au bénéfice des consommateurs sans nuire ou mettre en question la collecte de fonds pour le financement du logement social, qui est reconnue en tant que service d'intérêt économique général.»Les livrets A et bleu sont des produits d'épargne avantagés par l'Etat sous forme de défiscalisation dont la distribution est réservée à trois réseaux bancaires seulement. Ceux-ci transfèrent, en contrepartie d'une commission d'intermédiation, les sommes collectées à la Caisse des Dépôts et Consignations, qui les utilise pour financer le logement social. Ces livrets sont détenus par environ 50 millions de Français pour un encours de euros128 milliards.La distribution réservée de ces produits, qui constitue une restriction à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services (articles 43 et 49 du Traité), crée un obstacle à l'entrée et au développement de concurrents français ou étrangers sur le marché de l'épargne bancaire liquide en France. Dans le cadre du secteur de la banque de détail, la survivance de droits spéciaux de distribution de produits d'épargne défiscalisés, octroyés à des établissements bancaires dont le rayon d'activité a par ailleurs été continument étendu, constitue une anomalie préjudiciable au développement de conditions de concurrence équitables. La Commission a examiné attentivement les arguments développés par les autorités françaises concernant les missions d'intérêt général attachées aux livrets A et bleu. Elle considère d'abord que la banalisation de la distribution de ces livrets ne remettra pas en cause le maintien d'un niveau de collecte suffisant pour assurer le financement du logement social. En effet, elle constate que le réseau de distribution sera, ce faisant, largement étendu, facilitant l'accès des clients à ces produits, et que l'évolution de leur mode de distribution ne modifiera en rien les qualités intrinsèques qui en ont fait le succès. Les autorités françaises pourront en outre soumettre toutes les banques assurant la distribution de ces produits à la même obligation de centralisation intégrale des fonds collectés à la Caisse des dépôts.S'agissant ensuite de la mission d'accessibilité bancaire dévolue au livret A, la Commission est d'avis, sous réserve du respect des conditions posées par l'article 86 paragraphe 2 du Traité, qu'elle peut être accomplie dans un cadre plus transparent en octroyant une compensation ad hoc plutôt que de reposer sur un système de subvention croisé, fondé sur un droit spécial. Le ou les opérateurs chargés de cette mission pourront être soumis à des obligations de service public spécifiques, en particulier celle d'ouvrir un livret à toute personne qui en fait la demande.Au total, l'ouverture du mode de distribution des livrets A et bleu permettra, sans surcoût pour les finances publiques, de mettre fin aux infractions constatées tout en préservant les services d'intérêt économique général concernés. La décision de la Commission ne remet pas en cause les missions d'intérêt général attachées à ces livrets, mais seulement leurs modalités d'accomplissement. La Commission considère en effet que l'octroi de droits spéciaux de distribution pour ces livrets n'est pas compatible avec l'obligation des Etats membres, sur base de l'Article 86 du Traité, de veiller à ce que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général respectent l'ensemble des règles du Traité (y compris les règles du marché intérieur), dans la limite où l'application de ces règles ne fait pas échec au cas d'espèce à l'accomplissement des dites missions. Les particuliers ne verront pas d'évolution négative du mode de fonctionnement de leurs livrets mais devront au contraire profiter des bénéfices de la concurrence sous forme d'une liberté de choix accrue et d'une amélioration de la qualité du service proposé. |
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