Jean-Louis Bianco : "Si j'étais Président..."

A quelques mois des primaires du Parti Socialiste l’ancien secrétaire général de l’Elysée auprès du président Mitterrand sillonne le pays pour "construire avec d’autres une vision nouvelle pour la France et pour l’Europe". Nice en Mouvement est allé à sa rencontre. Librement, sans langue de bois et avec une simplicité qui lui est propre, celui qui fut ministre des Affaires sociales et de l’intégration, puis ministre de l’Equipement, du Logement et des Transports se présente aux français à travers une série d’entretiens réalisés en collaboration avec la journaliste Sylvie Turillon-Manuel en apportant un regard critique et constructif sur la société française et un socialisme réinventé.

NeM : Jean-Louis Bianco bonjour, vous étiez durant neuf ans secrétaire général de l'Elysée auprès du président François Mitterrand. Quels souvenirs conservez-vous de cette période ?

Jean-Louis Bianco : Des souvenirs extraordinaires parce que je crois que c'est une chance inouïe d'avoir été aux côtés de l'un des plus grands hommes de l'histoire de France. J'ai été le plus jeune à ce poste et je suis jusqu'ici celui qui est resté le plus longtemps, et j'ai choisi d'ailleurs à l'époque de ne pas rentrer au gouvernement parce que je voulais continuer à travailler avec François Mitterrand alors que j'aurais pu rentrer plus tôt au gouvernement. Ce que je garde de lui c'est une sérénité extraordinaire. Un calme qui contraste sans nul doute avec notre actuel président. Une capacité à ne jamais se précipiter. D'ailleurs il avait cette très belle formule : "il faut laisser du temps au temps". Alors nous sommes dans une autre époque et je suis d'accord qu'aujourd'hui les choses vont vite, qu'il faut aller vite et que c'est normal que le président de la République soit dans un autre style que De Gaulle, Mitterrand ou Chirac. Mais je trouve que "savoir donner du temps" au lieu d'être toujours dans la vitesse et l'accélération est quelque chose qui est vrai aujourd'hui et pas seulement dans les années quatre-vingt. Puis il avait aussi une autre formule que j'apprécie et que j'essaie de pratiquer, il avait dit : "le socialisme n'est pas une chose figée dans des bandelettes" (sourires). Donc je pense qu'il faut enlever des bandelettes si l'on veut montrer aux français - qui d'ailleurs ne croient plus beaucoup dans la politique - qu'il y a une alternative à la politique actuelle.

NeM : "Si j'étais président... Que faire en 2012 ?" c'est le titre de votre livre publié chez Albin Michel et que vous nous présentez aujourd'hui. C'est un titre annonciateur, alors êtes-vous l'une de ces alternatives à la politique actuelle ?

Jean-Louis Bianco : Au départ je veux surtout contribuer à des idées. Je veux surtout que l'on puisse avoir quatre ou cinq, mais pas cinquante, idées fortes, lisibles, compréhensibles. Mais dans notre système politique, pour porter des idées il faut aussi dire que l'on n'exclue pas d'être candidat. Donc je ne l'exclue pas (sourires). Ce n'est pas une fin en soi, je ne me suis pas réveillé un beau matin en me disant il faut que je sois candidat et président de la République. Ce que j'espère c'est que mes idées vont être prises en compte. Je ne prétends pas avoir la science infuse et avoir raison sur tout. Qu’elles vont contribuer à faire progresser le parti socialiste, qui va mieux et qui est unitaire. Le candidat ou la candidate qui sera choisi se les appropriera. Mais si ce n'était pas le cas et bien je serais prêt à aller, en tout cas, jusqu'aux primaires socialistes qui auront lieux au mois de juin.

NeM : Près de deux millions de français ont manifesté le 7 septembre dernier contre le projet de réforme de retraite du gouvernement. Le Président de la République s'est exprimé hier soir, pensez-vous qu'il a su leur répondre ?

Jean-Louis Bianco : Malheureusement non, mais il avait dit qu'il ne toucherait pas au cœur de la réforme et de ce point de vue il n'a pris personne en traitre. Il n'a fait que des concessions très mineures même sur une question comme la pénibilité. C'est-à-dire avoir des droits, peut-être à partir plus tôt quand on a exercé des métiers pénibles. Et il n'a pas répondu à la question. Il faut avoir un certificat médical pour passer devant une commission. Donc ce n'est pas la retraite, mais c'est une question de handicap, alors que l'on sait très bien que des travailleurs qui, par exemple, exercent les trois huit, qui ont des charges lourdes, qui sont exposés à des substances toxiques toute leur vie n'ont pas forcément de handicap, mais ils ont une usure. Et l'on voit que lorsqu'ils ont fini leur carrière ils vivent moins longtemps que d'autres qui ont exercé des métiers moins pénibles. Et c'est cela qu'il faudrait prendre en compte réellement : la situation d'usure liée à un métier difficile et non la situation de handicap, et malheureusement là-dessus il n'a pas vraiment avancé.

NeM : Vous avez été ministre des Affaires Sociales. Si vous aviez porté une réforme sur le système de retraite, quelle réforme auriez-vous défendue ? Mais d'abord est-ce qu'il faut réformer notre système de retraite ?

Jean-Louis Bianco : Oui évidemment il faut réformer notre système de retraite et là-dessus personne de bon sens ne peut dire le contraire pour une raison très simple c'est que la durée de vie s'allonge et qu'il y a de plus en plus de retraités et pas forcément plus d'actifs et il faut bien financer nos retraites. Là ou j'ai un désaccord central avec le gouvernement et Nicolas Sarkozy c'est que précisément pour pouvoir financer les retraites, la première clé c'est qu'il y ait plus de gens qui puissent travailler. Donc la première clé d'une réforme - et c'est ce que disent au-delà de moi les socialistes - c'est qu'il faut faire en sorte que les jeunes ne fassent pas toutes leurs années dans des stages - qui d'ailleurs ne sont pas toujours rémunérés -, dans des petits boulots, la précarité, l'intérim ou au mieux dans des contrats à durées déterminées. Il faut donc ouvrir une négociation pour qu'ils aient de vrais contrats de travail, et même si c'est en stage il faut qu'ils soient rémunérés pour qu'ils commencent à avoir des droits à la retraite. Et puis à l'autre bout de l'échelle, nous sommes le seul pays en Europe où l'on jette les plus de cinquante-cinq ans et même les plus de cinquante ans. Et nous sommes le pays d'Europe, dans les grands pays en tous cas, où il y a le moins de personnes de plus de cinquante-cinq ans, voir cinquante, qui travaillent. C'est pourtant pas difficile de dire que se sont des gens qui peuvent évoluer, qui peuvent dire bon "j'ai envie de lever un peu le pied et je vais faire un mi-temps ou un trois-quarts temps et je vais former un jeune". Donc la clé du problème elle est au deux bouts de l'échelle des âges avec plus de jeunes qui travaillent en étant rémunérés en leur ouvrant des droits à la retraite et plus d'anciens qui travaillent. Car en repoussant l'âge de la retraite on va simplement faire que des gens resteront chômeurs plus longtemps avant de pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite. Et puis le deuxième point c'est que bien sûr il faut demander un effort à tout le monde et sans augmenter les cotisations ou la durée des cotisations mais il faut demander aussi un effort au profit, au capital, à l'argent que gagne les banques. On ne peut pas faire l'effort sur les seuls salariés et retraités. Donc il faut une réforme financièrement équilibrée et qui parte du problème de base qui est qu'il y a trop de chômage, pas assez de jeunes et de personnes âgées au travail.

NeM : Vous pensez que le partage du temps de travail est toujours d'actualité ?

Jean-Louis Bianco : Moi je le crois. Le gouvernement n'arrête pas de dire que si la France va mal c'est la faute aux 35 heures, ce que je sais c'est que les gens qui sont passés aux 35 heures sont généralement contents parce qu'ils ont une vie un peu plus facile tout en gardant à peu près leurs salaires même si cela s'est payé parfois d'intensification des conditions de travail et parfois une hausse du salaire extrêmement faible pour ne pas dire nulle. Les entreprises qui sont passées aux 35 heures ont généralement tiré plus tôt un bilan positif et donc je considère que cette attitude qui consiste à dire que tous les maux de la France viennent des 35 heures n'est pas sérieuse. Et je l'ai dit au Premier Ministre, si c'est la catastrophe à cause des 35 heures, la Droite est au pouvoir depuis 2002, nous sommes en 2010, cela fait huit ans pourquoi ne les avez-vous pas supprimées ? Alors est-ce qu'on peut aller au-delà ? Je crois qu'il faut continuer à avoir des souplesses dans le temps de travail mais dans tous les sens. On peut avoir des périodes comme dans les métiers saisonniers où il faut travailler plus, on peut avoir des gens qui souhaitent travailler plus pour construire un logement par exemple, on peut avoir des gens qui au contraire de par leurs salaires pourraient souhaiter la semaine des quatre jours... Moi je pense qu'il faut surtout avoir de la souplesse et ne pas avoir de système fixe.

NeM : A l’heure où l’on ressent dans le pays une certaine dérive extrémiste, qu’est-ce qu’être français aujourd’hui et qu’est-ce qu’être socialiste ?

Jean-Louis Bianco : On ressent à la fois une dérive extrémiste et des tensions très fortes dans notre société. Les français sont opposés les uns aux autres par ce gouvernement et les tensions s’exacerbent. Le fait de ne pas répondre aux revendications sur la retraite fait que les gens vont être de plus en plus exaspérés. C’est très dangereux pour l’équilibre d’une société. Et le scandale qui consiste à dire que l’insécurité en France, ou de laisser croire, que c’est la faute des Roms et qu’il faut les renvoyer est une autre dérive. Il ya des Roms qui posent problème quand ils s’installent n’importe où parce qu’ils peuvent gêner la vie des gens, mais les assassinats de policiers ce n’est pas les Roms. Les kalachnikovs dans les banlieues ce n’est pas les Roms…. Là on dresse simplement les gens les uns contre les autres. Et je crois qu’être français aujourd’hui, comme hier, c’est d’abord assumer d’être héritier d’une Histoire. Et que l’on soit français depuis dix générations ou que l’on vienne d’acquérir la nationalité française : parce qu’on ne sait qui l’on est que quand on sait d’où l’on vient. Et on vient collectivement de la France. Moi, mes quatre grands-parents étaient étrangers et je me sens à la fois européen et français. Donc il faut savoir et il faut assumer les très bons côtés comme les côtés négatifs. Et puis être français c’est vouloir vivre ensemble et partager un certain nombre de valeurs comme la laïcité. On est libre de croire ou de ne pas croire. On est libre de pratiquer sa religion mais la religion n’impose pas de règles dans la vie publique. Et puis être français, pour moi, c’est aussi avoir une notion de la solidarité.

Pour répondre à votre deuxième question "qu’est-ce qu’être socialiste aujourd’hui", pour moi en tous cas et je ne ferai pas une définition abstraite ou générale, ma motivation pour être socialiste c’est avant tout avoir un sentiment de révolte. J’étais révolté à quinze ans et je le suis encore aujourd’hui devant les injustices et l’inégalité parce que c’est insupportable. Et être socialiste c’est croire que l’on peut changer cela, que l’on peut faire un monde où il y ait moins d’inégalités et d’injustice, et où les gens se sentent mieux ensemble. Et c’est proposer, d’où mon livre, des idées pour y arriver. Pour faire en sorte que des gens qui sont aujourd’hui désespérés, qui ne croient plus dans la politique et qui ne croient pas forcément que la Gauche ferait mieux que la Droite, recommencent à croire à un changement possible. Et être socialiste c’est être aussi porteur de ce changement, pas tout seul, avec d’autres, mais notamment nous.

Propos recueillis par Williams Vanseveren-Garnier

Arnaud de Montebourg : "Nous avons besoin, dans un pays comme le nôtre, de nous donner la main pour le redresser"

Le 10 juin dernier, M. Arnaud Montebourg, était à la rencontre des militants socialistes azuréens. Nice en Mouvement est allé à la rencontre du parlementaire de la Saône-et-Loire chargé de la rénovation du parti.

Nice En Mouvement : Le Parti Socialiste à 105 ans comment on rénove un parti aussi vieux ?

Arnaud Montebourg : D’abord il s’est déjà rénové. C’était en 1972 que François Mitterrand a transformé profondément la SFIO de l’époque. Il en a fait un nouveau parti qui là est en train de se transformer profondément. C’est l’ouverture d’un nouveau cycle pour préparer la victoire de 2012. Il n’y a pas de victoire sans un nouveau parti et là nous avons les outils pour gagner en 2012.

Nice En Mouvement : Qu’est-ce qu’être socialiste aujourd’hui en 2010 ?

Arnaud Montebourg : C’est refuser l’injustice de ce monde, c’est la rétablir par des décisions volontaires, c’est préférer la démocratie à l’arbitraire et assumer l’idée qu’aujourd’hui l’individualisme, l’égoïsme ne peuvent pas tenir lieu de loi universelle. Nous avons besoin, dans un pays comme le nôtre, de nous donner la main pour le redresser. Et c’est aussi, je crois, un amour de la république qui conduira finalement chaque socialiste à imaginer le redressement de notre pays.

Nice En Mouvement : Vous disiez tout à l’heure que le parti socialiste s’était égaré de son électorat populaire, notamment dans le vote des ouvriers et employés, comment allez-vous faire pour leur redonner confiance dans un vote PS ?

Arnaud Montebourg : D’abord en comprenant qu’aujourd’hui ils sont les grands perdants. Ce sont eux qui paient le prix de la crise alors qu’ils n’en n’ont aucune responsabilité. Donc les soulager du prix fort que la Droite leur inflige sur les épaules. Ils paient tous les plans sociaux, ils paient toutes les hausses d’impôts … Ils ont payé déjà toute la période du productivisme, quand les cadences augmentaient, quand les salaires étaient gelés… Et finalement ils auront payé trois fois : quand ça va bien, quand ça va mal et quand il faut sortir du mal. Il faut donc les défendre, tout simplement.

Nice en Mouvement : Dimanche prochain les socialistes azuréens seront rassemblés autour d’un grand pique-nique citoyen pour dire non à la réforme territoriale. En quoi cette réforme est-elle dangereuse ?

Arnaud Montebourg : C’est un projet qui est fait pour diminuer la démocratie sur les territoires. La démocratie c’est l’outil du développement des territoires, qui ont besoin de se choisir un destin pour se développer. La France n’est pas comme la Côte d’Azur, elle a des régions très diversifiées et désertifiées qui ont des difficultés. Et nous avons besoin de démocratie pour nous élancer dans la lutte pour la survie. Il y a certains territoires aujourd’hui qui sont en train de mourir et on nous enlève ce qu’il nous reste.

Nice En Mouvement : Vous citiez justement en exemple votre région dans laquelle il y a eu 18 000 destructions d’emplois, dont 5000 dans votre département. Comment lutter contre ce fléau ? Un gouvernement peut-il vraiment changer la donne ?

Arnaud Montebourg : Déjà je crois qu’il n’y a pas de présence du Gouvernement au chevet des entreprises qui sont en train de se casser la figure. Il n’y a aucune stratégie industrielle. Et je le dis ici dans le département et dans la ville du ministre de l’Industrie.

Nice en Mouvement : Y’a pas d’actions ?

Arnaud Montebourg : Non, ce ne sont que des paroles. Monsieur Estrosi est un moulin à paroles. Nous sur tous nos plans sociaux qui ont été désastreux on ne l’a jamais vu. Il nous a envoyé des conseillés, qui sont repartis, en disant : « on ne peut rien faire ». Alors moi ma position est de dire : on peut toujours faire. Racheter des entreprises, avoir des stratégies industrielles, trouver des entrepreneurs, des investisseurs, mettre les collectivités – au lieu des tuer – dans le capital. Bref, organiser la survie. Vous savez quand les arbres ont été coupés c’est très difficile et il faut beaucoup de temps pour les voir repousser. Et puis par ailleurs il faut une stratégie de ré-industrialisation de notre pays, de relocalisation de l’activité. Nous n’avons pas de vision stratégique de la part de nos dirigeants pour la France et je le regrette.

Nice en Mouvement : Ma dernière question portera sur votre cheval de bataille « le cumul des mandat ». Vous-même êtes député et Président du Conseil général de la Saône-et –Loire. N’y a-t-il pas un mandat de trop ?

Arnaud Montebourg : Bah si ! Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je ne me représenterai pas en 2012 aux élections législatives. L’exemplarité étant l’un des arts de la politique.

propos recueillis par Williams Vanseveren-Garnier

Patrick Allemand : "Le Parti Socialiste sera prêt pour 2012"

Dossiers sous le bras, rendez-vous plein l'agenda, Patrick Allemand est un homme qui travaille. 1er Vice-président de la région Provence Alpes-Côte d'Azur, Conseiller général, membre du conseil municipal et du conseil communautaire, le patron des socialistes des Alpes-Maritimes est avant tout un homme d'écoute. Recevant tour à tour les présidents d'association, la presse, les citoyens de la ville de Nice l'élu se veut disponible. Nice en Mouvement est allé à sa rencontre...

NeM : A mi-mandat du quinquennat, quel regard portez-vous sur l’action du Président de la République ?

Patrick Allemand : Un regard très négatif dans le sens où rien de ce qui avait été promis durant la campagne présidentielle n’est tenu sur l’essentiel. Alors bien sûr il y a des choses qui ont été faites mais les retraités par exemple attendent toujours les 25 % d’augmentation des pensions qui avaient été annoncés, on remet en cause la retraite à soixante ans alors qu’il s’était engagé à ne jamais toucher à l’âge légal, on remet en cause les baisses d’impôts de manière larvée alors que finalement seuls les plus privilégiés – ceux qui bénéficient du bouclier fiscal – les vivent au quotidien alors que dans le même temps les classes moyennes vont voir dans les semaines à venir leurs impôts augmenter. Et ce n’est pas par le biais des taux mais de manière plus insidieuse par ce que le Premier Ministre appelle le rabotage des niches fiscales et je pourrais continuer à multiplier ainsi les exemples… Le "travailler plus pour gagner plus "n’a absolument pas donné les résultats escomptés non plus … On s’aperçoit qu’il y avait un programme virtuel car dans les actes il n’est pas suivi.

Nem : Le Parti Socialiste est-il prêt pour 2012 ?

Patrick Allemand : le Parti Socialiste sera prêt pour 2012 parce qu’il se donne les moyens de l’être. Nous avons une année 2010 extrêmement chargée. C’est une année où il y a un énorme travail de militantisme qui se fait dans les fédérations, en liaison avec les secrétariats nationaux pour que nous réussissions nos quatre conventions nationales. Celle qui vient de se dérouler était extrêmement importante. Elle concernait le nouveau modèle de développement, économique, social et écologique. Aujourd’hui, voici venue l’heure de la rénovation, puis à l’automne sur celle de la place de la France dans le monde, celle qui traitera de l’international et enfin en décembre celle sur l’égalité des chances. La première et la quatrième sont fondamentales pour préparer notre projet de 2012.

NeM : Vous venez de quitter la présidence de la commission d’appel d’offres de la Communauté Urbaine de Nice Côte d’Azur. Pourquoi ?

Patrick Allemand : Nous sommes toujours à la présidence de la Commission d’appel d’offres de la Ville de Nice mais nous avons refusé de siéger à la présidence de la Commission d’appel d’offres de la Communauté Urbaine qui n’a rien à voir avec la ville de Nice même si aujourd’hui de par le fait de nombreuses compétences qui lui sont transférées beaucoup d’enjeux se déroulent à la Communauté Urbaine. Nous l’avons fait en riposte à une décision de Christian Estrosi qui était une rupture des accords que nous avions passés au lendemain de son élection. Il s’était engagé à ce que l’opposition soit représentée à la proportionnelle. On demandait ni plus, ni moins que ce à quoi nous avions droit à la Communauté Urbaine. Cela s’est opéré dans un premier temps mais il s’est avéré que lorsque Sophie Duez a démissionné – qui occupait un siège de l’opposition – Christian Estrosi au lieu de laissé l’opposition choisir son nouveau représentant à nommé quelqu’un de l’UMP et l’a fait élire par le Conseil Municipal de Nice. Cet acte démontre combien il y a un manque de sincérité dans la démarche du maire de Nice et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas siéger à la Commission d’appel d’offres de la Communauté Urbaine.

NeM : Le maire de Nice a pris plusieurs arrêtés municipaux à l’égard de certaines professions. Celui concernant les artistes de rues, puis celui concernant les commerçants de nuit et maintenant ce sont les agents immobiliers qui sont visés. Nice serait-elle devenue la ville des interdits ?

Patrick Allemand : En tous cas il y a un décalage extraordinaire là-aussi entre la parole et les actes. Christian Estrosi avait dit, avant les élections municipales : "Je veux faire de Nice la Barcelone de la Côte d’Azur ". On est très loin du compte quand on connait la ville de Barcelone. La multiplication de ces interdictions a deux conséquences importantes. La première conséquence porte sur la diminution de l’attractivité et de l’animation de la ville de Nice qui doit être avant tout un fer de lance touristique, ce qu’elle n’est plus depuis longtemps. La jeunesse niçoise d’ailleurs, préfère sortir sur Juan-les-Pins ou sur Cannes où elle trouve de quoi s’amuser alors que Nice est devenu un désert de ce côté-là. Une contradiction pour le maire qui dit vouloir être attentif à sa jeunesse, qui lui demande de ne pas faire d’excès d’alcool etc… mais qui en fait l’oblige par l’indigence des activités niçoises à prendre sa voiture et à prendre des risques le samedi soir pour aller ailleurs s’amuser. Donc Nice ne prend pas du tout le chemin d’une grande ville touristique et ces interdits tendent au contraire à aseptiser la ville. Mais la cinquième ville de France ne sera jamais une crèche et Christian Estrosi n’est pas le maire d’une crèche mais le maire d’une métropole avec ses faiblesses, avec ses forces, avec ses zones de lumière, ses zones d’ombre et nier ces réalités c’est véritablement vouloir construire une ville virtuelle et ce n’est pas ce que veulent les niçoises et les niçois. Les niçois aujourd’hui veulent que l’on s’occupe d’eux.

NeM : En parlant de Nice, tout le monde à pu voir dans Nice Matin qu’un débat porte sur l’aménagement du littoral et notamment des plages. Alors sable ou galets ?

Patrick Allemand : C’est un faux débat. Le problème de la plage de Nice est que si nous ne faisons rien, elle n’existera plus d’ici quelques décennies. A l’instar de ce qui a faillit se passer entre Villeneuve-Loubet et Antibes. Pourquoi ? Tous les scientifiques le savent, l’extension de la plate-forme aéroportuaire a modifié la direction des courants marins. Et aujourd’hui la plage de Nice fait l’objet d’érosion. Le seul moyen de contrer cela et d’assurer un développement durable afin de préserver ce capital touristique unique au monde qu’est la Baie des Anges est dans la réalisation de travaux importants qui empêcheront l’érosion du littoral. Ces travaux doivent se dérouler à quelques dizaines de mètres de la plage, en mer. Ce sont des travaux qui sont coûteux et aujourd’hui on n’ouvre pas le vrai débat à savoir la participation financière. Et quelle participation financière pourrait placer l’aéroport dans ces travaux puisque l’aéroport est responsable de la déviation des courants marins. Quel pourcentage pourrait mettre la ville et les collectivités territoriales pour des travaux qui ne se voient pas, c’est-à-dire qui ne sont pas rentables politiquement. Or Monsieur Estrosi est avant tout le maire du « bling-bling », de ce qui se voit et du superficiel. Donc cela ne l’intéresse pas et il amuse la galerie sur un débat entre les galets et sable, mais ce n’est pas ça le fond du problème.

NeM : Ma dernière question portera sur l’action régionale. Le président Michel Vauzelle avait déclaré à Nice en Mouvement que sa première action irait en faveur de la création de 10 000 emplois par an, où en sommes-nous ?

Patrick Allemand :
Nous y travaillons activement. Nous sommes en train de réunir les PRIES (Pôle Régional d’Innovation Economique et Solidaire). Il y en a vingt-neuf dans la région qui se sont constitués avec des objectifs en matière de création d’emploi et nous les réunissons afin de savoir où ils en sont dans les objectifs qui ont été fixés, non pas par la Région, mais par eux-mêmes. Pour moi, et je le dis très clairement, je crois que nous devons axer notre effort sur le développement économique qui crée de l’emploi. C’est une période qui est difficile et il y a une restriction importante des fonds publics, due à la crise. On ne pourra pas tout attendre des collectivités en matière de création d’emploi brut. Bien sûr que nous continuerons à créer des emplois et nous sommes en train de finir le plan de rattrapage pour les Techniciens et Ouvriers de Service (TOS) dans les lycées, nous allons également avoir un plan emploi dans le secteur associatif, dans le secteur du sport, dans le secteur de la culture, dans le secteur de la solidarité… Des emplois avec une participation régionale de type dégressif. Nous l’avons déjà fait et nous accentuerons l’effort mais aujourd’hui le grand défi c’est la création d’emplois dans l’économie.

Propos recueillis par Williams Vanseveren-Garnier

Pr Ali Benmakhlouf : "La bioéthique a de beaux jours devant elle"

Dans le cadre de ses conférences mensuelles, "Actu-Philo" au Centre Universitaire Méditerranéen, le philosophe Daniel Lance recevait, le 7 avril dernier, le Professeur Ali Benmakhlouf sur le thème : "Question bioéthique : soins paliatifs", Nice en Mouvement est allé à sa rencontre…

NeM : Bonjour Professeur, vous venez d’animer une conférence sur la bioéthique dans le cadre des actu-philo animé par Daniel Lance. Quels sont à vos yeux les points fondamentaux sur lesquels doivent reposer le débat éthique ?

Pr Ali Benmakhlouf : Une réflexion toujours renouvelée sur l’article 16 du Code Civil qui dit qu’il y a une inviolabilité du corps humain. Parce qu’à partir de cet article on voit que ça pose la question du don d’organe, qui est maintenant, et qui doit continuer à être très encadré par la législation pour éviter les trafics en toute sorte qui malheureusement fleurissent, comme vous le savez, sur Internet. Donc cet article, qui dit toujours la non patrimonialité du corps, permet également de poser la question de l’inviolabilité de la dignité humaine –parce que là c’est un interdit fondateur de la vie en société.

L’article 16 également dit respect pour la personne humaine, cela met comme vous dites en débat éthique la définition, ou la non définition, de ce qu’est une personne humaine. Quel est le cas que l’on peut avoir parfois à ne pas définir pour ne pas durcir en mots les sens de la personne. Donc si vous voulez cet article 16 reste un point d’ancrage de la réflexion de la bioéthique un point d’ancrage important.

Second volet – pas juridique – il est du côté des avancées techniques et ce que l’on peut faire de plus en plus. Il y a je le disais au cours de la conférence cet exemple autour du cœur arrêté –autour de la circulation extracorporelle qui permet d’oxygéner les organes – ça résout en quelque sorte un problème : celui de continuer à oxygéner les organes, mais ça en pose un autre sur une incertitude quand aux critères de la mort. Donc on voit très souvent en bioéthique qu’une question scientifique résolue débouche sur une énigme éthique. Et il y a toujours ainsi comme un relais énigmatique d’une solution scientifique, et c’est le champ de la bioéthique qui se déploie ainsi.

Donc un premier volet juridique inépuisable de réflexions, un second volet inépuisable aussi, parce que les avancées techniques c’est tous les jours et un troisième volet du côté de ce que l’on pourrait appeler la place de l’homme dans la société et plus généralement quand même dans l’univers. Vous savez que l’on parle de plus en plus de la biodiversité et entre de plus en plus dans les questions de bioéthique les questions de la biodiversité. Et on se rencontre que notre santé engage une réflexion sur l’environnement. Une grande polémique est née dernièrement sur l’extension du principe de précaution à la santé. Le principe de précaution pensait d’abord, si vous voulez, dans le rapport à l’environnement. Est-il aussi adapté aux questions de la santé ? Et ces débats arrivent dans le domaine de la bioéthique et indiquent que cette bioéthique a de beaux jours devant elle.

NeM : Les débats portant sur la vie et la mort on toujours été d’actualité. Avec les progrès de la science et notamment dans le génie génétique il y a ceux qui pensent que la science est belle et donc bonne, et ceux qui pensent que elle n’est pas nécessairement bonne. Alors l’homme du XXIème siècle est-il plus sage que celui du siècle de Platon ?

Pr Ali Benmakhlouf : Je ne pense pas qu’il y ait eu un progrès quantitatif ni accumulé de ce que l’on peut appeler la sagesse. En revanche votre premier point : la science bonne et ses applications qui peuvent poser problème, je pense que les applications ne sont qu’une maturation de la science. Et cela rejoint un petit peu ce que je disais tout à l’heure sur la solution scientifique et l’énigmatique, c’est-à-dire que la science résout quelques problèmes mais elles les résout en fonction de nouvelles énigmes. Et quand elle les résout, la maturation d’une décision scientifique ne préjuge pas encore de la décision politique ou éthique compte tenu de cette maturation. Autre point important c’est que la science n’est pas prévisible dans ses effets. C’est-à-dire qu’on ne peut pas précisément dire telle science, telle technique, telle application. Parce qu’il y a des techniques qui se sont révélées inouïes dix ou vingt ans après par rapport à l’usage premier auquel elles étaient destinées. Donc il y a de l’imprévisibilité et nous vivons avec cette imprévisibilité du potentiel scientifique.

Propos recueillis par Williams Vanseveren-Garnier

"Histoire de Terra Amata" par Jacques Médecin - ancien maire de Nice

[...]Si Nice a des histoires attachantes, elle est aussi un peu à l’origine de l’histoire tout court. De celle de l’espèce humaine : je venais à peine d’être élu maire de la ville (le 11 février 1966) qu’on me présenta un dossier singulier : en procédant aux fouilles de fondations d’un immeuble, sur la Basse Corniche, les ouvriers avaient mis au jour un gisement préhistorique qui semblait riche de promesses. L’endroit s’appelle Terra Amata, Terre aimée. Le premier acte administratif que j’eus à accomplir fut d’arrêter le chantier, car toute manœuvre intempestive pouvait menacer le gisement. Arrêter un gros chantier de promoteur, pour un maire nouvellement élu, n’est pas particulièrement agréable. D’autant plus que le promoteur faisait face à de grosses difficultés (il ne devait pas tarder à faire faillite, d’ailleurs). Ce fut le début d’une série de problèmes, voire de drames, mais je tins bon : je réussis à stopper les travaux pendant les six mois nécessaires aux archéologues et aux préhistoriens, dirigés par H. de Lumley, pour mener à bien leurs fouilles et compléter leurs observations.

La région de Nice est d’une très grande richesse du point de vue préhistorique : ce fut un des berceaux des civilisations les plus anciennes dont nous ayons trouvé des traces.

La grotte du Vallonnet à Roquebrune-Cap-Martin abrite les plus vieux prestiges d’outils retrouvés à ce jour en Europe, et l’origine de l’apparition de l’homme a pu être reculée à une période aussi ancienne qu’en Afrique orientale. La présence de ces outils ainsi que d’autres vestiges découverts dans la grotte du Vallonnet ont permis de reconstituer la vie des premiers hommes qui ne savaient pas encore allumer le feu mais qui vivaient déjà en groupe. Ainsi se trouve confirmée l’affirmation de Bergson selon laquelle l’Homo Faber a précédé l’Homo Sapiens. Le département des Alpes-Maritimes abrite d’autres lieux qui permettent de situer les grandes étapes de l’évolution humaine et qui font de notre région un site préhistorique remarquable. L’apparition des premières techniques de conservation et du jaillissement de la flamme, la création d’un habitat plus évolué, l’ensevelissement des morts, la naissance d’une forme d’art, l’aménagement des premières cités néolithique et tous les grands moments de l’histoire de l’humanité, ont pu être reconstitués dans des grottes ou des sites maintenant connus dans le monde entier : la cabane du Lazaret, la grotte de Pié Lombard, les grottes de Grimaldi et la vallée des Merveilles.

Les découvertes de Terra Amata, dans le tissu urbain de la ville, allaient encore accroître nos connaissances : les préhistoriens se trouvaient face à vingt et une couches successives d’habitat, étalées sur près de 250 siècles – chaque couche représentait en gros mille années. Cette fouille apporta la preuve que l’homme savait faire du feu il y a 400 000 années, alors que jusqu’alors les plus anciennes traces de feu, découverte en Hongrie et en Chine, ne remontaient qu’à 350 000 ans.

Terra Amata a fait faire à la connaissance de l’homme préhistorique un bond de cinq cent siècles. Aujourd’hui, chacun peut contempler dans le musée aménagé à l’intérieur de l’immeuble ces vestiges uniques, y compris, non loin du foyer, l’empreinte d’un pied dans le sable, qui est le plus ancien signal que nous aient laissé nos ancêtres (à l’époque, Terra Amata était une plage). Pour faire du feu, l’homme était nécessairement intelligent. C’est ce qui m’a permis, en posant la première pierre de Terra Amata de souligner cette coïncidence : le plus ancien des hommes intelligents connu jusqu’à ce jour était Niçois. (Je laissais aux assistants le soin de décider s’il était venu à Nice parce qu’il était intelligent, ou s’il était intelligent parce que Niçois). En tout état de cause, les découvertes de Terra Amata, par la perspective qu’elles ouvrent, scellent l’alliance unique de Nice avec l’Histoire. [...]

Extraits de « Nice : onze ans de vie commune », par Jacques Médecin

Nice : un arrêté municipal fortement contesté !

Comme chacun le sait, depuis le 16 mars dernier, un arrêté municipal réglemente l’activité des établissements de vente à emporter et des épiceries de nuit. Cet arrêté stipule que les établissements, établis dans un périmètre® bien défini, doivent cesser leurs activités commerciales à 23 h 00 du 1er mai au 1er octobre et à 22 h 00 le reste de l’année. Cet arrêté voulu par le maire de Nice Christian Estrosi pour " protéger les riverains qui en ont assez du bruit et des rixes qu’engendrent ces commerces " est vivement contesté par les commerçants niçois, qu’ils soient épiciers, glaciers ou autres. A la veille de la saison estivale, les professionnels et les consommateurs s’inquiètent sur les conséquences de cet arrêté : " Vous rendez-vous compte qu’il n’est plus possible dans la cinquième ville de France d’acheter une bouteille d’eau ou une glace après 22 h 00 ", témoigne un commerçant du Vieux Nice.

Si ce n’est certes pas l’achat d’une bouteille d’eau ou d’une glace qui pose problème, mais bel et bien la consommation de boissons alcoolisées sur la voie publique qui a motivé cet arrêté municipal, les élus d’opposition demandent au maire de Nice de revenir sur cet arrêté qu’ils jugent maladroit et proposent de s’inspirer de l’exemple du Plan Alcool de la Préfecture de la Loire-Atlantique. Celui-ci interdit la vente de boissons alcoolisées à emporter sur l’ensemble du département à partir de 22 h 00 et encadre les professionnels de la nuit à travers le respect d’une charte de qualité. Cette charte élaborée avec la Chambre de Commerce et de l’Industrie précise que le commerçant s’engage à respecter la règlementation, à suivre une formation et à agencer son magasin pour empêcher la vente en libre service des boissons alcoolisées.

Pour le Conseiller général Marc Concas (PS) celui-ci a le sentiment qu’aujourd’hui " on viole une liberté publique : celle du commerce et de l’industrie " et sera vigilant sur les dérogations qui pourront être accordées à certains commerces en précisant que l’ "on ne peut pas faire de la discrimination entre les catégories de commerçants et les activités commerciales ".

Côté commerçants et usagés, une pétition circule et un groupe a été créé sur Facebook comprenant près de 4000 personnes "plus important que celui du tram" comme le précisait, hier, Patrick Allemand, le 1er vice Président de la Région PACA en charge du développement économique. A suivre...

® le périmètre concerné est : à l’Ouest du boulevard René Cassin ; au Sud, la Promenade des Anglais, le Quai des Etats-Unis et le Port ; à l’Est, les boulevards Stalingrad, Lech Walesa, Riquier, de l’Armée du Rhin, Jean XXIII, et Louis Braille, avenue Louis Génari, boulevard Pierre Sémard, avenue Denis Séméria ; au Nord, l’avenue Lyautey, la voie Malraux, les avenues Raymond Comboul, Saint Lambert, du Ray et Sylvestre, les boulevards de Cessole et Gambetta et l’autoroute urbaine sud.