Accès à l'information et de l'organisation de l'expertise en matière environnementale, Mme Corinne LEPAGE présente son rapport d'étape

Dans le cadre d'une mission confiée par M. Jean-Louis BORLOO, Ministre d'État, ministre de l'Écologie, du développement et de l'aménagement durables à Madame Corinne LEPAGE, portant sur "l'accès à l'information et l'organisation de l'expertise en matière environnementale", un rapport d'étape vient d'être rendu public.

Ce rapport d’étape, avant audition des acteurs, reprend et formalise des propositions, pour beaucoup issues du processus du Grenelle de l’environnement, en vue de leur mise en œuvre dans le premier projet de loi Grenelle.

Il s’inscrit dans un rapport plus général (prévu fin janvier) qui formulera des propositions à la fois sur le plan communautaire et sur les domaines de la gouvernance environnementale et l’organisation du débat public et citoyen. Les objectifs poursuivis ont été de créer des outils juridiques pour :

- garantir l’accès du public aux informations brutes ou pertinentes,

- instaurer des pratiques d’expertise pluraliste et contradictoire,

- responsabiliser les acteurs.

L’horizon de ces propositions est de restaurer la confiance entre experts et société civile, d’améliorer le processus de prise de décision grâce à une compréhension approfondie et partagée des choix. Le rapport formule des propositions dans ces trois domaines : l’information, l’expertise et la responsabilité. Les 10 mesures phares sont les suivantes :

I - DANS LE DOMAINE DE L’INFORMATION

DEVOIR D’INFORMER : Reconnaître à la charge de toutes les autorités publiques et entreprises privées détentrices d’informations communicables une obligation d'information en matière environnementale et sanitaire, de tous les éléments qu'elles ont produit ou dont elles sont détentrices, et éliminer les éléments structurels de blocage dans les statuts des établissements concernés.

INSTAURER UN STATUT DE PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE
au sein de l’entreprise ou l’institution publique fondé sur le devoir de chacun, quelle que soit sa position, d'attirer l'attention des pouvoirs publics et de son entreprise sur des situations de risques sanitaires et environnementaux sous-estimés ou présentés sur des bases manifestement fragmentaires ou erronées.


CREER UN DELIT DE RETENTION D’INFORMATION EN MATIERE ENVIRONNEMENTALE
, ainsi défini : "le fait de fournir, en connaissance du risque, des données ou informations inexactes ou incomplètes, ou de procéder à une rétention de données ou d’informations, concernant les rejets, émissions, ou introductions, ou concernant la preuve de l’absence de dangerosité de telles substances". Cette mesure est destinée à éviter le mensonge qu’il soit ou non d’Etat comme dans l’affaire du nuage de Tchernobyl.

II - DANS LE DOMAINE DE L’EXPERTISE

CREER UNE HAUTE AUTORITE DE L’EXPERTISE EN SECURITE SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTALE dont un tiers des membres seraient des représentants de la société civile et dont tous les membres seraient élus par la majorité des 3/5 du Parlement. Sa mission serait de renouveler les règles de l’expertise, non seulement sous un angle technique et utilitaire mais aussi en terme d’impact sur la société. Elle élaborerait un code de déontologie définissant les modalités de l’expertise et ferait respecter ces règles. Elle élaborerait un code de déontologie définissant les modalités de l’expertise et ferait respecter ces règles. Elle pourrait se prononcer lorsque les conditions de déroulement des expertises sont contestées. En revanche, la haute autorité n'aurait pas à se prononcer sur le contenu même de l'expertise. Elle serait garante du contrôle des déclarations d'intérêt et participerait à la protection des experts et à celle des lanceurs d’alerte définie au point 1.4 de ce rapport. Le modèle à suivre pourrait être celui d'une autorité indépendante disposant d’un pouvoir d’investigation et de sanctions. Elle aurait accès à toutes les expertises existantes y compris celle des établissements publics et disposerait du droit d’entendre qui elle jugerait bon et de se faire communiquer tout document utile à sa mission. En cas d’infraction avérée, ELLE pourrait saisir le procureur de la République. La haute autorité pourrait être saisie par toutes les agences, mais également par l'État, par les entreprises concernées par une expertise déterminée et par les associations agréées.

ASSURER LA PLURIDISCIPLINARITE DE TOUTES LES COMMISSIONS D’EXPERTS en faisant un principe général et en prévoyant la possibilité pour les commissions nommées par décret de faire appel ponctuellement à des experts extérieurs. Assurer ce pluralisme en prévoyant que 25% des membres représentent la société civile dans ces commissions et soient consultés sur la constitution de ce pluralisme.

ASSURER LE DEBAT CONTRADICTOIRE AU COURS DE L’EXPERTISE Ouvrir le contenu du débat et la délimitation des sujets au débat contradictoire impliquant toutes les parties prenantes capables d’interroger les dimensions techniques, sanitaires, écologiques, sociales et éthiques. Il s’agit de concevoir l’expertise comme un processus de débat mais surtout correspondant à la présence de deux expertises critiques commanditées par des parties différentes.

III – DANS LE DOMAINE DE LA RESPONSABILITE

CREER UN DELIT DE DELINQUANCE ECOLOGIQUE sur le modèle du projet de directive communautaire de responsabilité pénale. La délinquance écologique n’est pas en tant que telle réprimée par le droit français. Il est donc proposé d’être en avance sur le droit communautaire et d’instaurer un délit général calqué sur la proposition actuelle de directive relative à la responsabilité pénale.

INSTAURER DES DOMMAGES ET INTERETS PUNITIFS
, en matière de responsabilité pénale et civile. Il s’agit de s’inspirer d’ une disposition du droit américain très efficace, qui vise à sanctionner, indépendamment des dommages et intérêts dus aux victimes, les comportements inspirés de considérations purement lucratives.

ETENDRE LE CHAMP DE LA MISE EN DANGER DELIBEREE AU RISQUE SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTAL. Cette disposition ne trouve pratiquement pas à s’appliquer aujourd’hui en dehors du code de la route. Il est donc proposé d’en modifier le champ pour pouvoir l’appliquer à la mise en danger de la personne humaine, en toute connaissance de cause.

CREER UN PRINCIPE GENERAL DE RESPONSABILITE DES SOCIETES MERES POUR LEURS FILIALES. Ce principe serait énoncé sous la forme suivante : "Les sociétés, sont responsables du dommage environnemental ou sanitaire causé par la faute de leurs filiales et des sociétés qu’elles contrôlent au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3 du Code de commerce. " Celui qui, en connaissance de cause, a financé une activité menée manifestement en violation des exigences du Code de la santé publique ou du Code de l’environnement engage sa responsabilité solidairement avec le bénéficiaire du financement. La connaissance ne se présume pas. Il s’agit de généraliser comme l’a proposé le Président de la République la responsabilité des maisons mères pour leurs filiales comme cela existe par exemple en droit américain depuis l’affaire de l’Amoco Cadiz. Cette responsabilité est destinée à éviter de nouvelles affaires de type MetalEurop qui, à une moindre mesure, sont très fréquentes. Pour y parvenir, il convient d’agir à titre préventif.

Les Membres de la Mission de Madame Corinne Lepage sont : M. Yann Aguila, Conseiller d'Etat ; Mme Dorothée Benoit Browaeys, Journaliste scientifique, présidente de Vivagora ; M. André Bercoff, Essayiste, journaliste Vice Président du Press Club ; Mme Marie-Odile Bertella Geffroy, Premier Juge d’instruction Responsable du pôle santé publique ; M. Thomas Chaudron, Président Du CJD ;, Philippe Crouzet, Project Manager à l’Agence Européenne pour l’Environnement ; M. Yves Dupont, Professeur de Sociologie Directeur du Laboratoire d’Analyse Socio-Anthropologique des Risques (LASAR) Université de Caen ; M. J.P Dupuy, Professeur à l’Ecole Polytechnique ; M. Christian Garnier, Vice Président de la Fédération France Nature Environnement Pilote du pôle aménagement durable du territoire ; Dominique Guihal, Conseiller référendaire à la Cour de Cassation ; M.Stéphane HOYNCK , Auditeur de 1ère classe, et rapporteur au Conseil d’Etat ; Mme Marie Jeanne Husset, Directrice de 60 millions de Consommateurs ; M. Ludwig Krämer, Ancien chef de division à la DG Environnement ; M. Daniel Lebègue, Président de l’IDDRI, de Transparence International et de l’IFA ; M. Yvon Lemaho, Membre de l’Académie des sciences et directeur de recherche au CNRS ; M. Paul Moreira, journaliste et écrivain, initiateur de la campagne Liberté d'informer en France, membre de la campagne Access Info au niveau de l'Europe. Responsable de l'émission 90 minutes sur Canal plus de 1999 à 2006. Auteur de "Les nouvelles censures, dans les coulisses de la manipulation médiatique", editions robert laffont. Fondateur de l'agence de presse audiovisuelle "premières lignes" en 2006 ; Mme Françoise Nesi, Conseiller référendaire à la troisième chambre civile de la Cour de Cassation ; Mme Claude Rambaud, Présidente du Lien ; M. Raphael Romi, titulaire d'une Chaire Jean Monnet de droit européen de l'environnement, est professeur à la faculté de droit de Nantes où il dirige un Master de droit public option droit de l'environnement ; M. Gilles Eric Séralini, Professeur au laboratoire de biochimie et de biologie moléculaire à l’université de Caen et Président du Conseil Scientifique du CRI IGEN, membre de la CGB ( Commission du Génie Moléculaire) ; Mme Annie Sugier "Ingénieur chimiste, experte internationale en protection de l'homme et de l'environnement dans le domaine nucléaire et radiologique, conseillère scientifique à l'Insitut de radioprotection et de sûreté nucléaire, membre de la Commission Internationale de Protection radiologique" ; M. François Guy Trébulle, Agrégé de droit privé et sciences criminelles, Professeur des Universités à l'Université Paris Descartes ; M. Ronan Uhel, expert à l’ European Environment Agency et M. Jean Louis Weber, expert à l’European Environment Agency

0 commentaires: