Darfour : il est nécessaire de faire converger les différentes initiatives de médiation entreprises

"Nous sommes au début d'un processus politique crédible", a assuré le 18 mai face à la presse l'Envoyé spécial pour le Darfour, Jan Eliasson, soulignant les efforts menés conjointement par l'ONU et par l'Union africaine pour amener toutes les parties à s'engager en faveur d'une solution politique au conflit dans la province soudanaise ravagée par quatre ans de guerre.

Jan Eliasson a distingué trois étapes pour arriver à des négociations politiques efficaces et à une cessation des hostilités au Darfour.

La première est de réunir de réunir les initiatives parallèles de l'ONU, de l'UA et de pays voisins comme l'Erythrée ou la Libye vers un "processus convergent".

Ensuite, les prenégociations avec toutes les parties, rendues extrêmement complexes par le grand nombre de groupes rebelles (au moins neuf) et la difficulté de les identifier et de se mettre en contact avec eux, doivent aboutir à un engagement à renoncer à une solution militaire à la question, en faveur d'une solution politique.

A partir de là, les négociations pourront avoir lieu, a-t-il estimé.

Avec Salim Ahmed Salim, son homologue de l'Union africaine, Jan Eliasson parcours le Soudan et la région depuis plusieurs mois : quatre visites à Khartoum, trois au Darfour et des visites à Juba, capitale du Sud-Soudan, au Tchad, en Libye, en Erythrée, en Egypte et auprès de la Ligue des Etats arabes.

"Nous avons maintenant une nouvelle dimension dans ce conflit", a expliqué l'Envoyé spécial du Secrétaire général. "Après les tueries massives qui ont eu lieu en 2003 et en 2004, c'est maintenant la violence tribale qui fait plus de victimes que la compétition pour les terres à l'origine des conflits".

Jan Eliasson s'est en outre inquiété de "la radicalisation de la situation dans les camps de déplacés et de réfugiés et de la frustration qui s'y développe". Cet état de fait exige que tout accord conclu soit approuvé par la société civile, les chefs de tribu et les déplacés dans les camps.

Selon lui, le relatif échec de l'accord de paix pour le Darfour signé à Abuja en mai de l'année dernière s'explique par le fait que ces franges de la population soudanaise n'y ont pas été suffisamment associées.

Par ailleurs, Jan Eliasson a souligné la nécessité pour les groupes rebelles de se coordonner, à défaut de s'unir, dans trois domaines essentiels pour parvenir à la paix : le partage du pouvoir, le partage des richesses et la sécurité.

Il a estimé que l'organisation d'une réunion entre groupes rebelles proposée par le SPLM, le Mouvement populaire de libération du Soudan qui a signé le 9 janvier 2005 avec le gouvernement de Khartoum un accord de paix mettant fin à une guerre civile vieille de 21 ans dans le sud du Soudan, était une initiative encourageante.

Le refus de négocier s'explique parfois par les réticences de certains groupes à se baser sur l'Accord d'Abuja et même des réticences à travailler avec l'Union africaine, a expliqué l'Envoyé spécial.

Concernant l'attitude du gouvernement soudanais, Jan Eliasson a rappelé que Salim Salim et lui-même avaient appelé à un arrêt des bombardements, regrettant qu'après plus de deux mois de trêve, ces derniers aient repris, le 19 avril dernier.

"Il n'y aura pas de la paix au Darfour sans une normalisation des relations entre le Tchad et le Soudan", a-t-il en outre souligné, rappelant que les frontières entre les deux pays, tracées en 1878 par les pouvoirs coloniaux de l'époque, n'étaient pas représentatives de la réalité ethnique et tribale de la région, "ce dont ils payent le prix aujourd'hui".

Evoquant son survol du Darfour dernièrement à bord d'un hélicoptère entre El Fasher et Umrai, Jan Eliasson a raconté qu'il avait pu voir plusieurs camps de réfugiés où s'entassent des dizaines de milliers de personnes dans des conditions très dures.

"Il ne faisait 'que' 42 degrés ce jour-là, mais le plus souvent, les températures tournent autour de 50 degrés", a-t-il rapporté.

Il a également insisté sur le nombre de villages totalement abandonnés ou brûlés dans la région, ainsi que sur les ravages de la désertification.

L'Envoyé spécial a rappelé que l'origine des conflits étaient liée à des tribus de bergers arabes contraints à descendre vers le Sud pour échapper au désert, ce qui a provoqué des luttes et des combats pour les ressources naturelles déjà faibles de la province avec des ethnies différentes.

Il a souligné la grande fragilité de la situation humanitaire dans la région, à un coût de 700 millions de dollars par ans.

"Mais nous n'avons fait que mettre des pansements sur des plaies infectées", a insisté Jan Eliasson, espérant que "le monde ne va pas tourner le dos au Darfour une fois que les hostilités auront cessé".

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