Jacques Peyrat : "Nicolas Sarkozy m'a chassé du poste de maire que j'occupais"

"Je m'ennuie un peu" déclarait l'ancien maire de Nice, Jacques Peyrat en début de cet entretien. Quelques semaines plus tard, il semblerait qu'il ait fait fi de cet ennui en préparant son retour sur la scène politique locale. Parcourant la ville avec ses amis, l'ancien sénateur et maire devrait ouvrir prochainement une nouvelle permanence de l'Entente Républicaine avec l'ouverture d'un site Internet... Dans son Journal, Eugène Delacroix nous disait que, selon lui, "le secret de n'avoir pas d'ennui, c'est d'avoir des idées". Jacques Peyrat, lui, n'en manque pas depuis son tout premier engagement politique, aux côtés de Jean Médecin sous la désormais légendaire maxime d' "En avant les petits"... A suivre...


Suite et fin de l'Interview - 3ème partie

NeM : Après un passage au Conseil Régional, vous allez quitter le Front National. Sans étiquette, vous allez vous présenter aux élections municipales de 1995, Jacques Peyrat, seul, devant les Niçois et vous serez élu. J’imagine toute l’émotion que vous avez du ressentir à ce moment là…

Jacques Peyrat : Oui d’autant que ça n’avait pas été facile car je présentais ma liste de l’Entente Républicaine, qui était une bonne liste, avec des femmes et hommes qui chacune et chacun dans son métier – car à l’époque les conseillers municipaux avaient un métier, ce qui n’est plus le cas maintenant et on peut le regretter mais c’est ainsi – étaient les meilleurs. Mais, ceci étant dit, j’avais devant moi une liste de gaullistes du RPR ralliée avec l’UDF, puis le CNI, puis déjà le MPF ; puis il y avait mon ancien parti, le Front National, qui présentait sa liste ; puis il y avait les socialistes et les communistes qui mettaient toute leur hargne et leur haine, car ils ne m’ont jamais pardonné d’avoir été au Front National. Ce n’était pas évident d’autant que Monsieur Barety avait du paraitre au RPR – je veux dire par là qu’il était nécessaire de le conforter – et on lui avait envoyé, comme second de liste, M. Stefanini, qui était un énarque, un homme intelligent, et je redoutais beaucoup l’issue de la consultation même si tous les sondages me donnaient en tête, et même largement, mais je me méfie toujours des sondages. Et j’ai été élu effectivement, nous avons été élus, car dans ce genre d’affaire une liste municipale est une affaire collective, de belle manière. Oui, c’était sur la place Masséna, qui a accueillie l’explosion de joie de milliers de niçoises et de niçois qui étaient là et qui ont toujours au fond d’eux regrettés Jacques Médecin. Il était parti depuis quatre ans déjà et quelque part les maires qui l’avaient remplacé- la majorité municipale avait élu d’abord M. Bellet, qui était un chic type et qui a été très vite malade et Jean-Paul Barety, issu d’une grande famille niçoise et avocat – les niçois n’avaient pas retrouvé chez ces deux hommes là, quelque soit leurs qualités respectives et qui étaient certaines, le reflet de celui qu’ils aimaient : Jacques Médecin. Et je pense, comme je ne me suis jamais caché d’être un médeciniste, et je le dis encore maintenant d’ailleurs, ils ont espéré que je puisse représenter ce qu’avait été Jacques Médecin. Ils ont du être déçu car je ne suis pas de même nature, ni de même souche puisque je ne suis pas natif de Nice, même si je considère maintenant, un peu comme dans la Légion Etrangère, quand on s’y est engagé comme moi depuis cinquante-cinq ans, on a le droit au titre de niçois. Donc c’était un grand moment c’est vrai.

NeM : En 2001 les Niçois vous renouvellent leur confiance pour un second mandat, et puis quelque chose se casse avec les affaires. Est-ce que vous les avez vues venir ?

Jacques Peyrat : Non. Non je ne les ai pas vues venir. Les affaires, en réalité celles de M. Vialatte, de M. Monleau et de M. Le Deunf, car en réalité il y a eu trois affaires : l’une a secoué beaucoup Nice d’autant que déjà à ce moment là la Droite gaulliste songeait à reprendre la ville, maintenant je m’en rend compte. Mais j’ai été très naïf. Vous savez en politique il ne faut pas être naïf. Il faut être retord. Le pouvoir se gagne à la pointe de l’épée, ce que j’avais fait, mais il se conserve par la rouerie. Et de cela je n’en étais pas capable. Et donc, l’exploitation du cas de M. Vialatte – qui soit dit entre nous m’avait été recommandé par Jacques Chirac, Président de la République et amené par M. Bernard Pons… a donné matière au journal Nice Matin. Autant le journal Nice Matin est devenu une limande avec Christian Estrosi et d’une platitude exagérée, autant le Nice Matin à l’égard des Maires de Nice Jean Médecin, Jacques Médecin et Jacques Peyrat a été d’une hostilité larvée. Je ne sais pas ce que l’on avait fait au journal, mais même en changeant de propriétaire, et de directeur, il en était ainsi, et le journal a beaucoup appuyé sur la chanterelle. Vialatte n’était qu’un fonctionnaire, il n’entachait pas la liste municipale, mais il était mon Directeur Général des Services. Un homme remarquable d’ailleurs, je m’empresse de le dire. Et puis il y a eu l’affaire Monleau, un conseiller municipal que j’avais choisi qui, pour une somme d’argent dérisoire qui lui a été offert par un groupe a sali, et notre liste et moi-même. Aidé en cela, un peu plus tard, par M. Le Deunf, qui était aussi un conseiller municipal que j’avais pris. Et l’exploitation, la réalité d’abord, et l’exploitation qui en a été faite qui ont rappelé un petit peu aux niçoises et au niçois l’époque un peu impure de celle de M. Jacques Médecin a terni terriblement mon image. Autant quand Monsieur le Procureur de la République, Eric de Montgolfier, qui pourtant allait s’acharner contre moi après, m’a rendu sa première visite protocolaire et m’a dit : " je sais que vous n’avez rien à craindre parce que vous avez une solide réputation d’honnêteté", mais cette réputation a été ternie par cette première vague de désillusion pour les niçoises et les niçois. Le tramway : ce tramway personne n’en voulait, même pas mes adjoints, sauf un peu certains de mes directeurs, de mes personnels à la mairie. J’ai voulu le tramway un peu seul et contre tous.

NeM : Aujourd’hui on nous parle d’un tramway-métro pour la ligne 2. Qu’en pensez-vous ?

Jacques Peyrat : De la Foutaise ! De la foutaise et je vais vous dire pourquoi. D’abord avant de réaliser le tramway j’avais réfléchi longuement et j’avais pensé au métro que je n’ai pas choisi pour deux raisons. La première : nous ne sommes pas une assez grande ville pour justifier la rentabilité d’un métro. Et la seconde raison c’est que le sous-sol de Nice est tellement imprégné d’eau – celle des remontées de la mer et celle qui descend des collines – et tous ceux qui ont construit des parkings le savent bien, dès que l’on descend à trois, quatre mètres de profondeur on est dans l’eau. Et il faut donc utiliser des procédés de parois moulées, de cuvelages, qui rendent la construction dix fois plus onéreuse dans le cas d’un système de transport que de le faire passer à l’air libre. J’avais donc choisi le tramway, et après de longues hésitations, j’avais choisi le tramway sur rail. Si le tramway a été long, c’est que les socialistes ont bien joué. Ils ont fait recours sur recours. Cela a même eu pour effet de suspendre, quelques fois, la rapidité de construction et d’aménagement du tramway. Multiplier par la difficulté, entrainer par la forfaiture de M. Monleau dont je vous parlais, qui nous a fait choisir, payer par lui, un groupe - qui était pourtant un groupe important dans l’industrie française, il était même un des premiers – qui ne savait pas faire le tramway ; et qui a piétiné, piétiné misérablement, pour aménager ce tramway de surface. A telle enseigne qu’il a fallu que je me sépare de ce groupe. Et cela a mis du temps pour ne pas ruiner les finances de la ville afin de trouver un autre groupe qui a mené bon train le tramway. Mais on a, entre les recours et cette incapacité de partie cocontractante que nous avions établie pour réaliser le tramway on fait que les niçois ont été irrités du bruit, de la saleté, de la lenteur des travaux et c’est cette exaspération je crois qu’ils m’ont fait payer. D’ailleurs, Catherine Trautmann, avait fait un tramway à Strasbourg. Et j’étais allé, avant de décider de faire un tram, visiter un peu toutes les villes Paris, Bordeaux, Lyon, Strasbourg qui avaient un tramway. Et je me rappelle que son premier adjoint, qui est devenu maire à sa place quand elle est devenue ministre, Roland Ries, qui est un homme remarquable d’ailleurs, m’avait dis : " Jacques, si tu ne termines pas ton tramway un an avant les élections, tu es foutu ". Et j’ai terminé le tramway trois mois avant les élections… Il m’a manqué presque un an… et j’ai été foutu ! Et il avait eu raison. La prédiction de Roland Ries s’est réalisée.

NeM : Alors aujourd’hui nous sommes à l’aube d’une échéance importante : les élections régionales. En lice, Thierry Mariani, pour l’UMP, Jean-Marie Le Pen pour le Front National et Michel Vauzelle le président socialiste sortant avec lequel vous avez travaillé pendant dix ans. Quels souvenirs gardez-vous du président sortant et pour qui allez-vous votez même si le vote est très personnel ?

Jacques Peyrat : Voilà vous venez de le dire et je ne vous le dirai pas. Il y a un isoloir et il est fait pour cela. Chacun est en face, à ce moment là, de sa conscience politique. Mais vous m’avez demandé quelles impressions Vauzelle m’avait-il fait et je vais vous le dire. L’homme avait été avocat, ministre de la Justice d’ailleurs, et il était agréable et nos rapports ont été agréables. Bon il nous a mal traités, bien sûr, parce que la gauche est sectaire et il a fait passer des tas de dossiers avant les nôtres… mais élégamment. Et quand je lui téléphonais ou quand j’allais le voir à la Région il me recevait toujours assez gentiment, somme toute, réservant en général, ses fourches gaudies quand je n’étais pas là. (Sourires) Mais ce qu’il y a de sûr, c’est que je n’apporterai pas mon suffrage et que je ne le recommanderai pas de l’apporter pour la liste de l’UMP ! Je veux bien être cocu, mais pas content ! Je ne peux pas oublier que, sans raison fondamentale, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, m’a chassé du poste de maire que j’occupais en donnant son investiture morale, bien sûr, et en tout cas l’UMP l’investiture à Christian Estrosi qui quatre mois avant m’avait juré, les yeux dans les yeux, que la mairie ne l’intéressait pas parce qu’il avait un destin national et que son candidat était Jacques Peyrat. Alors vous comprenez, ces gens qui mentent comme ils respirent… Je ne peux pas appeler à voter pour eux. Qu’ils aillent se faire foutre !

NeM : Allez-vous écrire vos mémoires Monsieur le Maire ?

Jacques Peyrat : Alors ouais ! Si je n’étais devenu fainéant comme je vous le disais au tout début de notre entretien (rires). Et puis vous me donnez une idée en m’interviewant avec votre magnétophone… Je suis orateur, bon ou mauvais ce n’est pas à moi de le dire, mais je suis orateur. Un bavard et un baveux selon les règles du milieu (sourires) mais je ne suis pas un écrivain. J’ai commencé à écrire mais je sèche. Je sèche lamentablement (rires).

NeM : Il faut vous faire aider.

Jacques Peyrat : Oui, je sais il y en a beaucoup qui le font, comme celui qui m’a chassé de la mairie, qui a utilisé quelques nègres. C’est même raciste de le dire (rires). Mais je ne le ferai pas, non. Je crois qu’il faudrait effectivement que je trouve le temps, l’envie pour pouvoir écrire mes mémoires. En tous cas ça viendra, en son temps, tout doucement.

NeM : Merci Monsieur le Maire pour cet entretien.

Jacques Peyrat : Mais c’est moi qui vous remercie d’être venu me voir.

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