Nous voici réunis à la Maison du Séminaire de Nice. Je vous remercie d’être venus à ce dîner et je remercie Monsieur et Madame de Lumley de l’avoir organisé. À chaque fois que je viens dans le Midi, quel que soit le Midi, en Aquitaine, en Languedoc-Roussillon, en Provence, dans le Comté de Nice, j’ai droit, oui littéralement droit, à ces réunions d’amitié. Et, à force, je commence à bien connaître certains visages, certains noms, ceux des fidèles qui ne manquent pas ce genre de réunions si sympathiques. Comment ne pas me souvenir des Baux de Provence ? Des superbes réunions à Villefranche-sur-mer ? Et, l’an passé, à Tautavel ? Et, à chaque fois, arrivent de nouveaux visages. Et cela me remplit de joie. Pourquoi ? Parce que nous sommes faits pour nous retrouver. Je ne me trompe pas en disant, sans aucune présomption de ma part, que vous venez rencontrer le Prince français que je suis, l’héritier de la dynastie nationale qui a porté pendant mille ans la destinée de la France. Vous voulez me connaître, ou me connaître mieux, et rien n’est plus normal. Et moi aussi, de mon côté, je veux vous connaître, mieux vous connaître, et c’est normal pareillement. Ainsi se crée un lien fort qui ne dépend nullement des aléas politiques, économiques, financiers ou sociaux. Ce lien vient, bien sûr, de l’Histoire. Il se vit dans le présent ; il est un gage d’avenir. Il n’est de véritable légitimité que dans le service. Si je n’étais pas présent activement, que vaudrait le principe que je représente ? Mais je viens à votre rencontre, vous venez à la mienne, et tout à coup apparaît en nous une force morale nouvelle, un accord profond qui existe par lui-même, au-delà de tous les clivages politiques et sociaux, et qui ne tient qu’à une idée simple, claire, puissante et suffisante : servir. Il n’est pas utile d’en dire pour le moment davantage. Cela suffit. En revanche, il est indispensable que je m’intéresse à toutes les grandes questions qui touchent de près notre société. Et vous savez que c’est la raison d’être des voyages que j’entreprends depuis quelques années, et des activités qui y sont liées. Voyages en France, voyages à l’étranger. Mon but ? Voir par moi-même. C’est ainsi que j’ai visité quelques-uns des centres de recherche les plus performants dans les domaines le plus variés, des usines de haute technologie, de grandes entreprises industrielles et commerciales, comme aussi des entreprises familiales dont l’activité fait la force fondamentale de notre pays. C’est ainsi encore que j’ai manifesté le plus vif intérêt pour les questions patrimoniales et culturelles, qui sont de grandes questions d’avenir pour notre pays, car tout le monde sait que la France a, dans ce domaine, une richesse incomparable. Sites historiques, voire sites préhistoriques, monuments de toutes sortes, villes et villages qui sont des ensembles dont la beauté chante l’histoire, collections d’œuvre d’art incomparables. Tout cela mérite attention : il faut veiller à la conservation, à la mise en valeur, même économique, de tant de richesses. Il faut saluer, soutenir toutes les initiatives tant publiques que privées. Je me suis attaché, à ma manière, à une telle préoccupation et je le peux d’autant mieux que ma famille, à travers les siècles, s’est impliquée dans ce patrimoine artistique, et y a contribué de toutes les façons : il est donc normal que je m’y implique moi-même. Enfin, un dernier point me tient à cœur : la rencontre avec les personnes frappées d’un handicap ; c’est ainsi que, chaque fois que je l’ai pu, j’ai visité des centres pour handicapés, pour malades graves. J’aimerais faire encore davantage dans ce domaine, car je crois qu’il y a là, selon la meilleure des traditions, une action qui relève singulièrement de mon statut de Prince capétien. Quant aux voyages à l’étranger, je les effectue dans le même esprit de service, de représentation aussi d’une certaine conception de la France historique, dans le cadre de la francophonie. Je suis allé plusieurs fois et encore récemment au Liban où je compte tant d’amis, ce cher Liban encore aujourd’hui frappé sans que la communauté internationale y puisse grand chose. La Méditerranée devrait être une mer pacifique, reliant des pays aux intérêts convergents. La guerre est due à des causes étrangères. Pour ma part, dans mes déplacements, j’ai toujours compris et senti que sur les questions de fond, il était possible de concevoir des accords véritables. Cela m’est apparu quand je suis allé au Maroc où j’ai été reçu par le Roi, en Tunisie où le Ministre de la Culture a organisé à mon intention un voyage officiel. Et, pareillement, j’ai été admirablement reçu en Louisiane et au Québec. Partout les gens attendent de la France des signes forts. Pourquoi vous dire tout cela ? Pour vous expliquer que je travaille beaucoup, que j’essaie de remplir ainsi ma vocation de Prince. Il faut bien commencer par le commencement. Il serait vain de vouloir tout tout de suite. L’heureuse surprise – mais est-ce vraiment une surprise – c’est que rapidement j’ai été aidé dans cette œuvre. Par qui ? Par mes amis ! Par vous ! Je suis loin d’être seul. Grâce au concours de mes nombreux amis, j’ai pu tisser dans le pays un réseau de gens intéressés et intéressants : intéressés à servir, et intéressants par les services qu’ils peuvent rendre. Grâce à eux, j’ai pu effectuer beaucoup de déplacements, organiser des rencontres, des colloques, des conférences. Maintenant il existe une association des Gens de France, comme vous le savez, dont le délégué général est ici présent, ce soir, Patrice Vermeulen. Je le salue chaleureusement. Il vous suffira de vous adresser à lui pour être tenus informés. Ce soir, me voici donc à Nice. Je le dois, cette fois-ci, à l’amitié de Monsieur et de Madame de Lumley. Grâce à eux, déjà, le 30 juin dernier, a pu se tenir, dans le grand amphithéâtre du Muséum d’Histoire Naturelle, une soirée de conférences intitulée « Regards vers les pôles ». Elle a réuni le Professeur Malaurie, l’ethnologue réputé de l’Arctique, le Professeur Lorius, climatologue bien connu et spécialiste des pôles, et moi-même qui présentais, à cette occasion, mon dernier voyage en Arctique, sur les traces de Philippe VIII d’Orléans, qui fut un grand explorateur. Cette réunion, d’ailleurs, avait été précédée d’une visite, avec le directeur du Muséum, de la fameuse Grande Galerie de l’évolution où se trouvent encore de nombreux spécimens des collections d’animaux du duc d’Orléans. Le Professeur Henry de Lumley, qui avait organisé l’an passé, aux mêmes dates, un voyage scientifique sur le site préhistorique de Tautavel du plus grand intérêt, a voulu cette année organiser à mon intention un voyage de même qualité. Ce matin, nous étions dans les sciences de l’avenir : nous avons été reçus par le Haut Commissaire à l’énergie Atomique au centre de Cadarache, pour une visite approfondie des laboratoires où se préparent les expérimentations qui permettront la construction des réacteurs de nouvelle génération, plus sûrs, plus économes, plus écologiques. Œuvre formidable, à dimension européenne et même mondiale, où la France tient une place prépondérante et tout à fait remarquable. Dans ce cadre m’a été présenté le futur programme ITER pour la réalisation duquel, vous le savez, la France a été choisie pour les raisons les plus pertinentes. Oui, la France peut être fière de ses savants, de ses ingénieurs, de ses techniciens. Après cette visite sur les sciences de « l’avenir », à partir d’aujourd’hui et demain toute la journée, le Professeur et Madame de Lumley me présentent les sciences de nos « origines », paléontologie, anthropologie, et toutes les sciences et techniques annexes. Cet après-midi, j’ai visité le Laboratoire départemental de préhistoire du Lazaret et le chantier de fouilles préhistoriques, et, demain, nous irons voir sur place les gravures rupestres de l’âge du cuivre et de l’âge du bronze ancien du Mont Bego, les roches gravées de la Vallée des Merveilles. C’est le cas de le dire : c’est vraiment merveilleux. Il n’est pas douteux que ce qui caractérise l’homme, c’est sa capacité à s’émerveiller, à transcrire son émerveillement, à le communiquer. Dès que l’homme a assuré ses ressources et sa défense face à un environnement difficile, voire hostile, dans la mesure où il se pense comme homme, il s’émerveille de la nature, de l’ordre naturel, de la régularité des choses, de leur beauté, de leur utilité, puis il s’émerveille de lui-même, de sa singularité dans l’univers, et il commence à nommer, à décrire, à écrire, de manière symbolique d’abord, puis de manière de plus en plus rationnelle. La culture, la religion, la poésie sont là, comme le sentiment de la vie et de la mort, comme le sentiment de l’amour et de l’amitié. Telle est l’humanité. Le pourtour méditerranéen a été un lieu privilégié d’éclosion de cette humanité. Cette méditation nous est nécessaire aujourd’hui. Le progrès ne saurait se faire en rupture avec cette culture humaine qui a donné naissance à la civilisation. Les sciences de « l’avenir » trouvent ainsi une sorte de règle supérieure dans la leçon des sciences de « notre passé », dans les sciences de l’homme tout simplement. Il me semble qu’un Prince chrétien et français, qui est d’abord et fondamentalement un héritier, tout en étant un homme de l’avenir, ne peut qu’être attaché à ces hautes conceptions qui sont la meilleure garantie de la continuité historique d’une civilisation riche tout autant de son prestigieux passé que de ses promesses d’avenir. C’est dire si je remercie le Professeur Henry de Lumley et Madame de Lumley d’avoir organisé ce voyage qui m’a permis également de vous voir ou de vous revoir. |
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