Marée noire dans l’estuaire de la Loire : plus jamais ça !

La marée noire, provoquée par la rupture d’une canalisation à la raffinerie Total de Donges le 16 mars, frappe de plein fouet l’estuaire de la Loire. Ce n’est malheureusement pas la première fois que cet espace naturel sensible, refuge pour la biodiversité, est touché par le pétrole. FNE, la LPO et de nombreuses associations de protection de la nature demandent que les autorités et les exploitants prennent enfin leurs responsabilités pour qu’une telle catastrophe écologique ne se reproduise pas.

Depuis trois jours, le pétrole a déjà touché plus de 20 km de berges et atteint, par endroit, 40 centimètres d’épaisseur. Il a commencé à souiller de nombreux oiseaux emblématiques des milieux estuariens (vasières, roselières, bancs et rives), à une période de chassé-croisé migratoire : bécasseau variable, pluvier argenté, tadorne de Belon, avocette élégante, barge rousse, canard pilet, sarcelle d’hiver.
Si cette marée noire a des effets immédiats moins visibles sur l’avifaune que celle de l’Erika, qui avait vu s’engluer des milliers d’oiseaux, elle aura des conséquences indirectes. En effet, le fioul, qui s’échappe actuellement dans l’estuaire, n’empêche pas les oiseaux de s’alimenter et de se déplacer. Mais en nettoyant leur plumage, ils risquent de s’intoxiquer. Ils risquent également de succomber à des pathologies pulmonaires, en raison de la perte progressive d’étanchéité de leur plumage. De nombreux oiseaux sont donc condamnés à plus ou moins brève échéance. La marée noire pourrait également frapper de nombreux poissons migrateurs (alose, lamproie, saumon, civelle…).

Cette marée noire touche un espace naturel sensible, classé Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Floristique et Faunistique (ZNIEFF), Natura 2000 (au titre des directives européenne Habitats et Oiseaux) et Réserve de faune sauvage. Il faudra des années pour que les milieux naturels affectés, particulièrement exposés et fragiles, retrouvent leurs caractéristiques naturelles. Ce refuge pour les oiseaux et pour la biodiversité dans son ensemble doit faire face à une catastrophe écologique, une nouvelle fois provoquée par Total.

Ce n’est, en effet, pas la première fois que le groupe pétrolier est impliqué dans une pollution de l’Estuaire : en 1999, la marée noire de l’Erika avait causé d’énormes dégâts ; en 2003, une canalisation s’était rompue dans un étier de la raffinerie ; en janvier 2006, une collision entre deux butaniers avait provoqué la dispersion de 30 tonnes de fioul lourd (contre 400 tonnes aujourd’hui), causant la mort de plusieurs milliers d’oiseaux.

Concernant cette nouvelle marée noire, les habitants et les élus des communes concernées, les associations de protection de la nature et la Diren Pays de la Loire n’ont été prévenus, par voie de presse, que tard dans la journée du 17 mars, alors que la fuite avait été détectée la veille. Face à ce type de catastrophe, le dispositif Polmar prévoit pourtant l’activation par la Préfecture d’un large réseau en phase d’alerte. FNE (France Nature Environnement), la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) et les autres associations présentes sur place (SOS Loire Vivante - ERN France, Bretagne Vivante – SEPNB) dénoncent ce manque de transparence des autorités.

Elles s’étonnent qu’une telle défaillance technique et humaine puisse encore survenir à la raffinerie et qu’aucun système d’alarme automatique ne soit mis en place. Elles condamnent la réaction tardive de Total pour endiguer la fuite de pétrole très toxique, dont on ne connait ni la composition exacte ni la toxicité. Pour le moment, le groupe pétrolier se contente de s’excuser et d’annoncer la prise en charge des coûts de nettoyage, sans s’interroger sur l’impact du produit sur la santé de celles et ceux qui le ramassent, et sur les milieux naturels.

Les associations exigent que ces milieux fragiles soient définitivement protégés et demandent que les exploitants mettent en place des plans de prévention efficaces, validés par tous les acteurs locaux et connus du public.
Dans l’immédiat, elles souhaitent être intégrées à la cellule de crise mise en place par le Préfet, notamment pour un suivi naturaliste accru dans l’estuaire de la Loire, et l’activation immédiate de tous les moyens de surveillance et de contrôle prévus par les textes (commissions locales, inspections des installations classées du secteur avant la fin de l’année, vérification des moyens d’auto surveillance mis en place par les exploitants, publication des résultats des actions entreprises sur les sites industriels).

Enfin, elles demandent la suspension définitive du projet portuaire de Donges Est pour éviter de nouveaux risques de pollution afin que cette catastrophe écologique soit aussi la dernière. Elles apprécient que le ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo ait laissé entendre que ce projet serait suspendu et que, à l’initiative de la LPO, il ait accepté une réflexion pour repousser les oiseaux présents dans l’estuaire à l’aide de systèmes d’effarouchement utilisés en zones sensibles.

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