Total en Birmanie : l'Elysée très loin du compte !

Au lendemain de la demande par Nicolas Sarkozy au groupe Total de "geler ses investissements en Birmanie", les Amis de la Terre dénoncent une mascarade, et appellent de nouveau le Président de la République à agir rapidement pour un renforcement des sanctions économiques.

Depuis les années 1990, la junte birmane tire l'intégralité de ses devises du pillage des ressources naturelles par des compagnies étrangères privées. Les secteurs stratégiques du bois de teck ou des hydrocarbures, dont le pays regorge, sont entièrement aux mains des militaires. Tout investissement étranger doit d'ailleurs faire l'objet d'un partenariat avec la junte, comme l'a fait Total avec la MOGE (Myanmar Oil and Gas Enterprise) en 1992, apportant depuis 450 millions de dollars par an aux militaires (1). Aung Saan Suu Kyi elle-même déclarait en 1996 que "la firme française Total est devenue le plus fort soutien du système militaire birman" (2).

La junte étant intégralement dépendante de ces investissements étrangers, des sanctions ciblées auraient donc une efficacité redoutable. Les retombées négatives pour la population civile, très majoritairement rurale et auto-subsistante, seraient quant à elles quasi-nulles. En 2003, le prix Nobel de la paix Mgr Desmond Tutu déclarait ainsi que "les gouvernements et les institutions internationales doivent dépasser le stade des gestes symboliques et couper les moyens du régime militaire grâce à des sanctions bien pensées". Les Amis de la Terre, qui font campagne depuis 2004 contre le commerce du bois de teck de Birrmanie (3), sont donc extrêmement déçus par les déclarations de l'Elysée concernant la présence sur place de Total.

Gwenael Wasse, chargé de campagne pour la Responsabilité sociale et environmentale des entreprises, est amer : "On attendait de Nicolas Sarkozy une rupture par rapport à son prédécesseur, qui a toujours tout fait pour préserver les intérêts de Total en Birmanie et bloquer le renforcement des sanctions européennes ; mais on n'a eu droit hier qu'à un pétard mouillé ! ". Il ajoute : "Total réalise 0,6% de sa production en Birmanie, a fait 12,5 milliards d'euros de bénéfice en 2006, et fait toutes les semaines des découvertes pétrolières dans le Golfe de Guinée ; en quoi le gel de leurs investissements en Birmanie, qui n'étaient d'ailleurs apparemment pas prévus, va-t-il les gêner ? ".

Les Amis de la Terre appellent donc de nouveau la France et l'Union européenne a un renforcement immédiat des sanctions contre les entreprises investissant dans les secteurs stratégiques des ressources naturelles en Birmanie.

(1) Rapport du collectif « Total pollue la démocratie », juillet 2005, www.fidh.org/IMG/pdf/mm04062005fr.pdf
(2) Entretien avec Frédéric Bobin, Le Monde, 20/07/1996
(3) Voir le dossier Birmanie sur le site des Amis de la Terre ( http://www.amisdelaterre.org/-Teck-de-Birmanie-le-bois-du-.html)

0 commentaires: