Biocarburants : message de Luc Boisseau (92)

Cher blog,

Nous devisions et je te disais que je suis plus préoccupé par les problèmes que va poser l’utilisation des biocarburants – tant du point de vue économique que nutritionnel- que par l’effet de serre. Je ne suis pas entrain de t’écrire qu’il ne faut pas s’occuper de l’effet de serre mais je me pose la question de savoir si la réponse à la probable disparition des énergies fossiles est de lui substituer l’utilisation massive des biocarburants.

Telle est la question telle que je me la pose.

Oui mais, en fait, sous quelle forme pose-t-on la question ?

La réponse qui vient à l’esprit est : que doit on faire pour protéger la planète d’un dangereux réchauffement climatique du à l’effet de serre ; mais en sous-jacent vient une deuxième formulation : que faire pour contrer la puissance des pétroliers et accessoirement des pays arabes et de la Russie sur leur main mise sur les champs de pétrole, en troisième lieu : que faire de nos paysans européens qui produisent plus cher que la plupart des autres pays et dont les revenus sont censés diminuer d’année en année ? Cette triple interrogation (qui est celle de nos penseurs officiellement écono-écolos) a l’avantage de pouvoir aisément mobiliser les troupes ‘vertes’, de donner du grain à moudre à tous les journalistes qu’ils soient économiques, écologiques ou biologistes et de se mettre dans la poche tous les éléments frondeurs (modèle antimondialiste) ou tous les éléments dénonciateurs (modèle altermondialiste) de pratiques abusives dans les cultures intensives et dans l’utilisation pathogène des contrées vierges.

Le but de cet article n’étant pas de créer la polémique –même si le sujet y porte- mais surtout d’ouvrir une ou plusieurs voies de discussion je vais essayer de donner les grandes lignes des différentes voies d’investigations qui -à mon sens- devraient être explorées ; je remercie, par avance, toutes et tous celles et ceux qui y apporteront leurs lumières et, pourquoi pas, leurs polémiques !

La grande voie et même la voie royale pour résoudre un problème, du point de vue des amoureux de la nature, est de regarder ce qu’elle peut nous enseigner et en appliquer les recettes ; du point de vue des écolos-réalistes qui ont été abreuvés aux mamelles des »amis de la terre » et d’ »Areva » il faut apporter une réponse à un problème qui se pose au niveau local par une solution plus régionale. Ce raisonnement vaut aussi lorsque le problème se pose à l’échelle d’un pays. Donc, qui dit problème écologique en France doit donner une solution au niveau de l’Europe et par conséquence, si le problème est à l’échelle d’un continent la réponse doit être à l’échelle de la planète. Finalement si le problème est à l’échelle de la planète il y a disjonction entre notre capacité à y répondre et les besoins de la société humaine puisque un tel état de fait est la monstration de notre incapacité à nous autoréguler. C’est le cas avec les rejets en dioxyde de carbone (entre autre).

Le raisonnement qui a abouti à la demande de développement des biocarburants est de mon point de vue, au moins spécieux, si ce n’est biseauté. Il est issu d’écolos vivants dans des pays riches qui ont pour ‘vocation’ de rester riches et de continuer à vivre comme des riches. Afin de justifier leur choix ils ont avancé ce qui se passe dans deux pays : le Brésil et la Suède. Cela donne bonne conscience de mettre en parallèle un pays riche et un pays pauvre. L’avantage pour le raisonnement est que ces deux pays ont mis en place une politique de biocarburants de deux manières différentes et qu’à partir de ces deux exemples il est facile de dire : »vous voyez quand on veut on peut » ; mais c’est oublié des facteurs locaux spécifiques à ces pays qui, comme de bien entendu, ne peuvent pas s’appliquer aux restes du monde et évidemment pas à la France.

Pour la Suède : elle possède de gigantesques forêts exploitées de manière rationnelles qui permettent une fabrication de l’éthanol à bas prix. Pour le Brésil il a des capacités de production de canne à sucre qui le mette dans la même position que la Suède. Ces deux pays ont aussi un point commun : des gouvernements volontaristes et un rapport surface/nombre de voitures comparable (à vérifier de plus près).

Cette solution des biocarburants entraîne dans l’avenir des problèmes cruciaux de développement de la planète tant du point de vue de sa capacité à nourrir la population que de celui du développement économique » des pays en voie de développement » et à l’échelle de la France elle ne permet : ni l’indépendance énergétique ni le maintien d’un cours des aliments premiers à un niveau acceptable par la population.

Nous avons toujours demandé aux agriculteurs de faire se qu’ils ont toujours su faire : nourrir la population. Nous leur demandons, en plus, maintenant, d’être les garants de la diversité des paysages ; faut il, aussi, leur demander d’être les facteurs nourriciers de nos moyens de déplacement ?

Ce n’est pas un débat philosophique, même si la manière de le poser y ressemble. C’est un débat économique qui puise sa source dans l’existence et la mise à disposition des éléments nutritifs de base pour une population donnée à des prix qui lui permette de vivre –non pas de survivre-. Le Brésil a montré cette année les résultats d’une politique non contrôlée de la mise en place de cultures orientées vers la production des biocarburants : c’est la création d’une famine. Une famine qui existe alors que le produit dont a besoin la population pour vivre existe sur place. C’est une nouveauté : la famine par l’incapacité d’une population à acheter le produit de base de son alimentation qui pousse sur son sol. Comment cela est il possible ? Tout simplement par l’application de la loi mercantile de l’offre et la demande. Explication : le produit de base de la nourriture brésilienne (tapas, je crois) est à base de farine de maïs. Il est plus intéressant pour un agriculteur de vendre son maïs pour faire des biocarburants que pour le faire transformer en farine alimentaire….conséquence flambée des prix sur la farine de maïs et les tapas augmentent de x% les mettant hors de portée des bourses brésiliennes. CQFD

En Suède, évidemment, ce raisonnement ne pourrait se faire, à moins que les suédois ne soient des castors (Save a tree, eat a beaver)….. Mais qu’en est-il en France ?

Il est de notoriété publique que la surface cultivable en France est insuffisante pour produire une quantité de biocarburants répondant à la demande des véhicules routiers (tous confondus). Il faudrait, suivant les estimations, de 4 à 5 fois la surface de la France. Donc la réponse positive du gouvernement à ce problème sous cette forme ne peut être une réponse qui puise sa raison dans le maintien de notre contribution à la diminution de l’effet de serre ou la recherche d’une nouvelle indépendance énergétique perdue avec la décolonisation de l’Algérie ou, enfin, la réduction du coût de nos importations. Il faut le voir comme une aide déguisée à nos agriculteurs. Là aussi le bas blesse… Deux solutions s’offraient au gouvernement : faire du biocarburant pour voitures à essence ou pour voitures à moteur diésel. La solution a été dictée par des considérations pragmatiques et politiques.

Pragmatiques : le nombre de véhicules à essence diminue par comparaison à celui des diésels, donc le coût de la défiscalisation sera moindre. Politiques : quels doivent être les agriculteurs aidés ? Si l’on favorise l’essence c’est la filière pomme de terre-betterave qui est aidée, si l’on favorise le diésel c‘est la filière maïs-soja-tournesol qui est aidée. Au nord de la Seine (approximativement et pour les besoins du raisonnement) c’est la betterave au sud c’est le maïs. Au Nord de grandes exploitations très structurées reliés à des groupes sucriers puissants, au Sud de petits exploitants sédentarisés par besoins. La réponse a été vite trouvée : il vaut mieux avoir en face de soi de grands exploitants que la Confédération Paysanne et il vaut mieux avoir des exploitations dans des régions proches de la mer pour apporter le produit aux futures usines de transformations qui vont se construire dans les ports dotés de raffineries.

Restons en France et regardons la solution biocarburants sous l’angle financier. Entre le prix payé à l’agriculteur, le transport et la transformation du produit, l’état est obligé d’oublier ses taxes afin que le résultat de l’addition à la pompe ne déroute pas le consommateur. Nous voulons tous être écolos mais il ne faut pas toucher à notre portefeuille transport. Ce raisonnement a permis la réussite de l’id tgv.

Cette nouvelle ère fait la joie des agricultures intensives du monde entier. La flambée des cours des matières premières nutritives est un fait. Mais qu’en est- il en France ?

Toutes proportions gardées ce n’est pas la flambée des cours, qu’elle soit celle de pomme de terre-betterave ou du maïs- tournesol, qui crée de la richesse en France. Rien n’est spécialement arrivé pour les agriculteurs. Pour les producteurs de maïs et autres –nada- pour les gros de la betterave pas grand-chose. Vient, de nouveau, se greffer sur le raisonnement la bonne vieille loi de l’offre et de la demande. Quand, pour une quantité donnée d’adjuvant à l’essence nous devons produire 5 tonnes de betterave, il ne faut qu’une tonne de canne à sucre donc le coût est 5 fois moins cher, conséquence au lieu de faire de l’éthanol en France il vaut mieux acheter de l’éthanol au Brésil ou aux USA quitte à déstabiliser leurs besoins élémentaires nutritionnels. L’agriculteur français ne s’y retrouve pas et le consommateur brésilien encore moins. Il existe d’autres exemples de cette dérégulation des prix des matières premières nutritives. Un, parmi d’autres, est amusant. Il s’agit de la graine de moutarde. Nous sommes de gros producteurs de moutarde mais nous avons moins de surface cultivable que ne réclament les besoins des fabricants. Nous importons les graines du Canada. Mais les agriculteurs canadiens se sont aperçus qu’il est plus rentable de faire des cultures pour les biocarburants que pour la moutarde. Il y aura donc une pénurie ou une augmentation significative du prix de la moutarde dans les années à venir. Le même raisonnement se fera sur la farine de blé et les prévisionnistes estiment que le prix de la baguette peut tripler et plus si affinité.

Regardons le devenir du monde agroalimentaire d’une manière générale face à la montée de la pression venant de la demande en biocarburants, face à l’augmentation des températures suite à l’effet de serre et face à la demande alimentaire des pays émergents.

Une des idées émises est que si nous ne pouvons pas cultiver plus que nous cultivons, d’autres pays le pourront. Les pro-biocarburants citent souvent l’Inde comme exemple puisque 60% de sa population est agricultrice ou dépend de l’agriculture et qu’avec la Chine elle devrait devenir un des plus gros consommateur de pétrole et de ses dérivés. Ce faisant ils oublient quelques chiffres et faits significatifs :

Le PIB d’un chinois est le double de celui d’un hindou. Donc, lorsque la demande hindoue se réveillera elle aura un impact sur l’économie mondiale presque aussi important que celui des chinois.

La croissance hindoue est tirée par le développement du secteur tertiaire, dont le secteur informatique, qui augmente de 10%/an ; alors que la Chine a opté pour une politique de masse dans ses fabrications et sur la diffusion à grande échelle de produits manufacturés.

Chaque année la population la population d’Inde augmente de 18 Millions d’individus mais l’augmentation de sa production en cultures vivrières n’est que de 2% alors qu’il faudrait une augmentation de 4% pour qu’elle soit en autosuffisance.

Le même raisonnement s’applique à la Chine et à tous les pays d’extrême orient.

On ne peut donc pas s’appuyer sur un développement de l’agriculture dans ces pays pour les besoins en éthanol d’autant plus que ces deux pays deviennent de très importants importateurs d’éthanol.

Un autre grand pays producteur d’éthanol est l’Amérique du nord. Au pays de la monnaie reine les grands agriculteurs ont très vite compris l’intérêt de cette manne financière issue de la demande en biocarburants. Cette année un sixième des cultures de grains aux USA a été déclarée comme « grain industriel » et transformé en éthanol ou autres produits et le nombre de fermes dédiées au grain industriel a augmenté de 48%.

Le même raisonnement s’applique au Brésil et à la Chine -toutes proportions gardées-.

Cette future crise alimentaire ne vient pas seulement des biocarburants ; ce serait trop facile de mettre une possible pénurie des matières vivrières sur le dos des agriculteurs gourmands en argent ou sur les cris d’alarme des écologistes devant la disparition des matières fossile et l’arrivée des conséquences de l’effet de serre ; il y a d’autres facteurs avec en premier l’évolution de la part de l’alimentation dans les habitudes et les besoins des populations.

Après la deuxième guerre mondiale, en moyenne, le budget nourriture pour les classes moyennes représentait 10%du budget familial ; c’était les bonnes années ! Désormais il avoisine les 25% et devrait encore augmenter….Les habitudes alimentaires évoluent et les pays qui sortent de la pauvreté prennent les mêmes habitudes.

Des experts sérieux ont quantifié l’augmentation de la consommation en viande de la population mondiale pour d’ici à 2016. La consommation en bœuf augmenterait de 30%, celle du porc de 50% et celle de la volaille de 25%. Tous ces élevages demandent soit du grain, soit du fourrage issu de l’agriculture vivrière et leurs demandes pèsent sur le cours de ces cultures.

En deuxième facteur il ya l’effet de serre. Une étude récente montre qu’il y a une corrélation entre l’augmentation moyenne de la température terrestre et la quantité de surfaces cultivables ; on s’en serait douté puisque les pays désertiques sont les endroits les plus chauds du globe. Mais, en dehors de cette pointe d’humour, l’important c’est que cette étude donne une relation étroite entre diminution des quantités de nourriture produites et augmentation de température ; Pour une augmentation moyenne de 0,5° la quantité produite diminue de 3 à 5% et pour une augmentation de 2° de 12 à 20%. Le ministre indien de l’agriculture interrogé sur ce sujet a donné des informations plus alarmistes il estime que, pour l’Inde, 2° de hausse des températures correspondrait à 25% de diminution globale de la production de nourriture.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, nous entrons dans une ère de compétition entre l’agriculture comme outil de nourriture humaine et l’agriculture comme outil de nos besoins énergétiques.

Les premières conséquences sont apparues dans des pays ou l’alimentation de base est plus dépendante que la notre (européenne) des farines : l’Inde et le Brésil. En Inde le coût de la nourriture a augmenté de 11% en un an et au Brésil le coût de farine de maïs a augmenté de 400%

Devant ce tableau que peut-on dire de l’intérêt des biocarburants. Répondent-ils à des critères économiques objectifs et sont-ils une solution aux problèmes posés par l’effet de serre ?

Economiquement et sans à priori, pour l’Europe, ils ne permettent pas de trouver une indépendance énergétique puisque les adjuvants à bas prix n’existent pas sur son sol. Ils ne permettent pas une meilleure valorisation du travail de nos agriculteurs pour la même raison.

En tant que réponse à l’effet de serre, ils n’apportent rien. Que l’on brule de l’essence avec ou sans éthanol n’a pas une incidence importante sur les émissions en co2 (même si ce carburant provient de la biomasse qui est censée recomposer le co2 émis au nom de la loi : rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme)). Des études tendent à montrer que la combustion des adjuvants »bio » apporte d’autres inconvénients (elles restent à être vérifiées).

L’intérêt principal, et les groupes pétroliers l’ont très bien compris, c’est que leur utilisation reporte de plusieurs années le besoin de faire des recherches couteuses dans des lieux hasardeux ; qu’en conséquence cela maintient le prix de l’essence à la pompe à un prix acceptable et, enfin, avec leurs alliances à travers la pétrochimie ils peuvent développer la chimie des engrais.

Et c’est là que je ne comprends plus du tout mes amis écologistes. Pour avoir de l’éthanol à bas prix il faudra développer une agriculture intensive, donc avec un rendement à l’hectare extrêmement élevé, et qui dit fort rendement sous entend engrais à outrance ; les OGM ont un bel avenir devant eux. Faut-il se battre contre les OGM et créer les conditions pour qu’ils se vendent ?

Il y a plusieurs solutions à cette dualité. La première est de réduire notre dépendance énergétique. Non pas en faisant de la « stagflation » comme ce fut déjà proposé dans les années 70 mais en organisant, à tous les niveaux, la diminution de nos besoins énergétiques. Les nouvelles tours de « La Défense » intègre cette organisation c'est-à-dire qu’elles ne consomment pas plus qu’elles ne produisent. Cette réduction peut passer par de nouvelles voitures moins gourmandes en explorant plus à fond le concept hybride etc., etc. Je n’ai pas foi dans le covoiturage qui est trop altruiste.

La deuxième est, peut être, porteuse d’espoir. S’il y a des pays qui ont besoin d’aide au développement et dont les surfaces cultivables sont loin d’être exploitées ce sont les pays de l’Afrique subsaharienne. Soyons idéalistes et pragmatiques ne serait il pas possible de créer des fermes à vocation de culture de grains industriels et vivriers qui apporteraient, à la fois, les denrées dont ont besoin leurs habitants et les adjuvants pétroliers que nous désirons ?

Certaines espèces que nous cultivons dans nos contrées sont issues de pays chauds et pluvieux (tel le maïs) que nous avons acclimaté sous nos cieux mais avec des résultats discutables pour ce qui est de la demande en eau et de l’état des nappes phréatiques. Des entreprises d’état comme l’INRA ne peuvent elles pas proposer des plantes adaptées aux sols et au climat africain

Est il impossible de penser qu’un partenariat pourrait se développer entre l’agriculture des pays africains et les groupes pétrochimiques pour mettre en valeur le sol et sortir, à la fois, les pays de la malnutrition et la voiture de ses polluants ?

Pour conclure : quand un problème sérieux comme l’effet de serre se pose et que la réponse apportée n’a pas été murement réfléchie dans le cadre du Développement Durable –au sens strict du terme- dans les conséquences le pire est à craindre ; les écolos en peau de lapin qui roulent en 4/4 ont de beaux jours devant eux….. ;

1 commentaires:

Anonyme a dit…

sais pas qui qu'a pondu ce texte mais il est trop long trop de parti prix trop tout quoi