En 332 avant J.-C., Alexandre le Grand ordonna la construction d'une chaussée de 1000 m de long afin de conquérir l'île de Tyr au Liban, assiégée depuis plus de 7 mois par l'armée grecque. Comment Alexandre a-t-il pu entreprendre un tel aménagement ? Cette question a longtemps suscité l'intérêt des archéologues et des historiens. De nouvelles recherches menées par Nick Marriner et Christophe Morhange du CEREGE(1) CNRS à Aix-en-Provence démontrent que les ingénieurs d'Alexandre ont dû exploiter un isthme sableux sublittoral (appelé tombolo) afin de vaincre la cité. Ces travaux sont publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences du 14 mai 2007 (Early Edition). Comme beaucoup d'autres endroits du Levant, la région de Tyr est caractérisée par des grès quaternaires, disposés en rides parallèles au trait de côte actuel. Ce modelé a influencé l'évolution de la cité antique. Le littoral de Tyr a été inondé par la montée du niveau marin post-glaciaire il y a environ 8000 ans. Une des rides gréseuses n'a été que partiellement submergée formant une île d'environ 6 km de long. Il y a 6000 ans, la montée du niveau de la mer a raccourci les dimensions de l'île de 6 à 4 km. Cette île, occupée dès l'âge du Bronze, a néanmoins servi de barrière naturelle contre les vagues, créant un abri côtier. Cette zone est caractérisée par des sédiments fins entre l'île et le continent. 3000 ans plus tard, la vitesse de sédimentation s'est accélérée (>0.3 cm/an). D'après les scientifiques, ce phénomène témoigne d'une érosion des bassins versants issue de l'activité humaine (mise en culture des versants, déforestation), à l'origine de flux sédimentaires plus élevés. La zone abritée est caractérisée par la présence d'un tombolo, 1 à 2 m sous le niveau de la mer à l'époque d'Alexandre le Grand. Cet isthme sableux a pu être exploité par les ingénieurs d'Alexandre afin de construire une chaussée et conquérir l'île et la ville. Après 332 avant J.-C., cet aménagement a totalement métamorphosé le littoral de Tyr. Les archives sédimentaires attestent d'une accumulation sédimentaire rapide du tombolo, caractérisée par l'avancée du trait de côte. Comme à Alexandrie en Egypte, ces dépôts ont engendré une rupture de la dérive littorale et créé deux baies différentes de part et d'autre de la nouvelle chaussée-tombolo. Le littoral de Tyr atteste donc d'une longue histoire de l'occupation humaine. Les Phéniciens, les Perses, les Grecs, les Romains puis les Byzantins ont considérablement modifié la côte. Cette étude pluridisciplinaire illustre l'apport de la sédimentologie et de la géomorphologie venant au secours des archéologues. Ces recherches ont été effectuées dans le cadre du programme ECLIPSE du CNRS-INSU, avec des financements supplémentaires de l'AIST (l'Association Internationale pour la Sauvegarde de Tyr), la CPM de l'UNESCO et le Leverhulme Trust. Les chercheurs ont mis en évidence la présence de ce tombolo pré-hellénistique grâce à des archives sédimentaires, des modèles numériques (en collaboration avec Samuel Meulé, CEREGE) et des analyses sédimentologiques et paléontologiques. Notes :1) Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement |
Découverte du tombolo d'Alexandre le Grand à Tyr
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