Arnaud de Montebourg : "Nous avons besoin, dans un pays comme le nôtre, de nous donner la main pour le redresser"

Le 10 juin dernier, M. Arnaud Montebourg, était à la rencontre des militants socialistes azuréens. Nice en Mouvement est allé à la rencontre du parlementaire de la Saône-et-Loire chargé de la rénovation du parti.

Nice En Mouvement : Le Parti Socialiste à 105 ans comment on rénove un parti aussi vieux ?

Arnaud Montebourg : D’abord il s’est déjà rénové. C’était en 1972 que François Mitterrand a transformé profondément la SFIO de l’époque. Il en a fait un nouveau parti qui là est en train de se transformer profondément. C’est l’ouverture d’un nouveau cycle pour préparer la victoire de 2012. Il n’y a pas de victoire sans un nouveau parti et là nous avons les outils pour gagner en 2012.

Nice En Mouvement : Qu’est-ce qu’être socialiste aujourd’hui en 2010 ?

Arnaud Montebourg : C’est refuser l’injustice de ce monde, c’est la rétablir par des décisions volontaires, c’est préférer la démocratie à l’arbitraire et assumer l’idée qu’aujourd’hui l’individualisme, l’égoïsme ne peuvent pas tenir lieu de loi universelle. Nous avons besoin, dans un pays comme le nôtre, de nous donner la main pour le redresser. Et c’est aussi, je crois, un amour de la république qui conduira finalement chaque socialiste à imaginer le redressement de notre pays.

Nice En Mouvement : Vous disiez tout à l’heure que le parti socialiste s’était égaré de son électorat populaire, notamment dans le vote des ouvriers et employés, comment allez-vous faire pour leur redonner confiance dans un vote PS ?

Arnaud Montebourg : D’abord en comprenant qu’aujourd’hui ils sont les grands perdants. Ce sont eux qui paient le prix de la crise alors qu’ils n’en n’ont aucune responsabilité. Donc les soulager du prix fort que la Droite leur inflige sur les épaules. Ils paient tous les plans sociaux, ils paient toutes les hausses d’impôts … Ils ont payé déjà toute la période du productivisme, quand les cadences augmentaient, quand les salaires étaient gelés… Et finalement ils auront payé trois fois : quand ça va bien, quand ça va mal et quand il faut sortir du mal. Il faut donc les défendre, tout simplement.

Nice en Mouvement : Dimanche prochain les socialistes azuréens seront rassemblés autour d’un grand pique-nique citoyen pour dire non à la réforme territoriale. En quoi cette réforme est-elle dangereuse ?

Arnaud Montebourg : C’est un projet qui est fait pour diminuer la démocratie sur les territoires. La démocratie c’est l’outil du développement des territoires, qui ont besoin de se choisir un destin pour se développer. La France n’est pas comme la Côte d’Azur, elle a des régions très diversifiées et désertifiées qui ont des difficultés. Et nous avons besoin de démocratie pour nous élancer dans la lutte pour la survie. Il y a certains territoires aujourd’hui qui sont en train de mourir et on nous enlève ce qu’il nous reste.

Nice En Mouvement : Vous citiez justement en exemple votre région dans laquelle il y a eu 18 000 destructions d’emplois, dont 5000 dans votre département. Comment lutter contre ce fléau ? Un gouvernement peut-il vraiment changer la donne ?

Arnaud Montebourg : Déjà je crois qu’il n’y a pas de présence du Gouvernement au chevet des entreprises qui sont en train de se casser la figure. Il n’y a aucune stratégie industrielle. Et je le dis ici dans le département et dans la ville du ministre de l’Industrie.

Nice en Mouvement : Y’a pas d’actions ?

Arnaud Montebourg : Non, ce ne sont que des paroles. Monsieur Estrosi est un moulin à paroles. Nous sur tous nos plans sociaux qui ont été désastreux on ne l’a jamais vu. Il nous a envoyé des conseillés, qui sont repartis, en disant : « on ne peut rien faire ». Alors moi ma position est de dire : on peut toujours faire. Racheter des entreprises, avoir des stratégies industrielles, trouver des entrepreneurs, des investisseurs, mettre les collectivités – au lieu des tuer – dans le capital. Bref, organiser la survie. Vous savez quand les arbres ont été coupés c’est très difficile et il faut beaucoup de temps pour les voir repousser. Et puis par ailleurs il faut une stratégie de ré-industrialisation de notre pays, de relocalisation de l’activité. Nous n’avons pas de vision stratégique de la part de nos dirigeants pour la France et je le regrette.

Nice en Mouvement : Ma dernière question portera sur votre cheval de bataille « le cumul des mandat ». Vous-même êtes député et Président du Conseil général de la Saône-et –Loire. N’y a-t-il pas un mandat de trop ?

Arnaud Montebourg : Bah si ! Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je ne me représenterai pas en 2012 aux élections législatives. L’exemplarité étant l’un des arts de la politique.

propos recueillis par Williams Vanseveren-Garnier

Patrick Allemand : "Le Parti Socialiste sera prêt pour 2012"

Dossiers sous le bras, rendez-vous plein l'agenda, Patrick Allemand est un homme qui travaille. 1er Vice-président de la région Provence Alpes-Côte d'Azur, Conseiller général, membre du conseil municipal et du conseil communautaire, le patron des socialistes des Alpes-Maritimes est avant tout un homme d'écoute. Recevant tour à tour les présidents d'association, la presse, les citoyens de la ville de Nice l'élu se veut disponible. Nice en Mouvement est allé à sa rencontre...

NeM : A mi-mandat du quinquennat, quel regard portez-vous sur l’action du Président de la République ?

Patrick Allemand : Un regard très négatif dans le sens où rien de ce qui avait été promis durant la campagne présidentielle n’est tenu sur l’essentiel. Alors bien sûr il y a des choses qui ont été faites mais les retraités par exemple attendent toujours les 25 % d’augmentation des pensions qui avaient été annoncés, on remet en cause la retraite à soixante ans alors qu’il s’était engagé à ne jamais toucher à l’âge légal, on remet en cause les baisses d’impôts de manière larvée alors que finalement seuls les plus privilégiés – ceux qui bénéficient du bouclier fiscal – les vivent au quotidien alors que dans le même temps les classes moyennes vont voir dans les semaines à venir leurs impôts augmenter. Et ce n’est pas par le biais des taux mais de manière plus insidieuse par ce que le Premier Ministre appelle le rabotage des niches fiscales et je pourrais continuer à multiplier ainsi les exemples… Le "travailler plus pour gagner plus "n’a absolument pas donné les résultats escomptés non plus … On s’aperçoit qu’il y avait un programme virtuel car dans les actes il n’est pas suivi.

Nem : Le Parti Socialiste est-il prêt pour 2012 ?

Patrick Allemand : le Parti Socialiste sera prêt pour 2012 parce qu’il se donne les moyens de l’être. Nous avons une année 2010 extrêmement chargée. C’est une année où il y a un énorme travail de militantisme qui se fait dans les fédérations, en liaison avec les secrétariats nationaux pour que nous réussissions nos quatre conventions nationales. Celle qui vient de se dérouler était extrêmement importante. Elle concernait le nouveau modèle de développement, économique, social et écologique. Aujourd’hui, voici venue l’heure de la rénovation, puis à l’automne sur celle de la place de la France dans le monde, celle qui traitera de l’international et enfin en décembre celle sur l’égalité des chances. La première et la quatrième sont fondamentales pour préparer notre projet de 2012.

NeM : Vous venez de quitter la présidence de la commission d’appel d’offres de la Communauté Urbaine de Nice Côte d’Azur. Pourquoi ?

Patrick Allemand : Nous sommes toujours à la présidence de la Commission d’appel d’offres de la Ville de Nice mais nous avons refusé de siéger à la présidence de la Commission d’appel d’offres de la Communauté Urbaine qui n’a rien à voir avec la ville de Nice même si aujourd’hui de par le fait de nombreuses compétences qui lui sont transférées beaucoup d’enjeux se déroulent à la Communauté Urbaine. Nous l’avons fait en riposte à une décision de Christian Estrosi qui était une rupture des accords que nous avions passés au lendemain de son élection. Il s’était engagé à ce que l’opposition soit représentée à la proportionnelle. On demandait ni plus, ni moins que ce à quoi nous avions droit à la Communauté Urbaine. Cela s’est opéré dans un premier temps mais il s’est avéré que lorsque Sophie Duez a démissionné – qui occupait un siège de l’opposition – Christian Estrosi au lieu de laissé l’opposition choisir son nouveau représentant à nommé quelqu’un de l’UMP et l’a fait élire par le Conseil Municipal de Nice. Cet acte démontre combien il y a un manque de sincérité dans la démarche du maire de Nice et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas siéger à la Commission d’appel d’offres de la Communauté Urbaine.

NeM : Le maire de Nice a pris plusieurs arrêtés municipaux à l’égard de certaines professions. Celui concernant les artistes de rues, puis celui concernant les commerçants de nuit et maintenant ce sont les agents immobiliers qui sont visés. Nice serait-elle devenue la ville des interdits ?

Patrick Allemand : En tous cas il y a un décalage extraordinaire là-aussi entre la parole et les actes. Christian Estrosi avait dit, avant les élections municipales : "Je veux faire de Nice la Barcelone de la Côte d’Azur ". On est très loin du compte quand on connait la ville de Barcelone. La multiplication de ces interdictions a deux conséquences importantes. La première conséquence porte sur la diminution de l’attractivité et de l’animation de la ville de Nice qui doit être avant tout un fer de lance touristique, ce qu’elle n’est plus depuis longtemps. La jeunesse niçoise d’ailleurs, préfère sortir sur Juan-les-Pins ou sur Cannes où elle trouve de quoi s’amuser alors que Nice est devenu un désert de ce côté-là. Une contradiction pour le maire qui dit vouloir être attentif à sa jeunesse, qui lui demande de ne pas faire d’excès d’alcool etc… mais qui en fait l’oblige par l’indigence des activités niçoises à prendre sa voiture et à prendre des risques le samedi soir pour aller ailleurs s’amuser. Donc Nice ne prend pas du tout le chemin d’une grande ville touristique et ces interdits tendent au contraire à aseptiser la ville. Mais la cinquième ville de France ne sera jamais une crèche et Christian Estrosi n’est pas le maire d’une crèche mais le maire d’une métropole avec ses faiblesses, avec ses forces, avec ses zones de lumière, ses zones d’ombre et nier ces réalités c’est véritablement vouloir construire une ville virtuelle et ce n’est pas ce que veulent les niçoises et les niçois. Les niçois aujourd’hui veulent que l’on s’occupe d’eux.

NeM : En parlant de Nice, tout le monde à pu voir dans Nice Matin qu’un débat porte sur l’aménagement du littoral et notamment des plages. Alors sable ou galets ?

Patrick Allemand : C’est un faux débat. Le problème de la plage de Nice est que si nous ne faisons rien, elle n’existera plus d’ici quelques décennies. A l’instar de ce qui a faillit se passer entre Villeneuve-Loubet et Antibes. Pourquoi ? Tous les scientifiques le savent, l’extension de la plate-forme aéroportuaire a modifié la direction des courants marins. Et aujourd’hui la plage de Nice fait l’objet d’érosion. Le seul moyen de contrer cela et d’assurer un développement durable afin de préserver ce capital touristique unique au monde qu’est la Baie des Anges est dans la réalisation de travaux importants qui empêcheront l’érosion du littoral. Ces travaux doivent se dérouler à quelques dizaines de mètres de la plage, en mer. Ce sont des travaux qui sont coûteux et aujourd’hui on n’ouvre pas le vrai débat à savoir la participation financière. Et quelle participation financière pourrait placer l’aéroport dans ces travaux puisque l’aéroport est responsable de la déviation des courants marins. Quel pourcentage pourrait mettre la ville et les collectivités territoriales pour des travaux qui ne se voient pas, c’est-à-dire qui ne sont pas rentables politiquement. Or Monsieur Estrosi est avant tout le maire du « bling-bling », de ce qui se voit et du superficiel. Donc cela ne l’intéresse pas et il amuse la galerie sur un débat entre les galets et sable, mais ce n’est pas ça le fond du problème.

NeM : Ma dernière question portera sur l’action régionale. Le président Michel Vauzelle avait déclaré à Nice en Mouvement que sa première action irait en faveur de la création de 10 000 emplois par an, où en sommes-nous ?

Patrick Allemand :
Nous y travaillons activement. Nous sommes en train de réunir les PRIES (Pôle Régional d’Innovation Economique et Solidaire). Il y en a vingt-neuf dans la région qui se sont constitués avec des objectifs en matière de création d’emploi et nous les réunissons afin de savoir où ils en sont dans les objectifs qui ont été fixés, non pas par la Région, mais par eux-mêmes. Pour moi, et je le dis très clairement, je crois que nous devons axer notre effort sur le développement économique qui crée de l’emploi. C’est une période qui est difficile et il y a une restriction importante des fonds publics, due à la crise. On ne pourra pas tout attendre des collectivités en matière de création d’emploi brut. Bien sûr que nous continuerons à créer des emplois et nous sommes en train de finir le plan de rattrapage pour les Techniciens et Ouvriers de Service (TOS) dans les lycées, nous allons également avoir un plan emploi dans le secteur associatif, dans le secteur du sport, dans le secteur de la culture, dans le secteur de la solidarité… Des emplois avec une participation régionale de type dégressif. Nous l’avons déjà fait et nous accentuerons l’effort mais aujourd’hui le grand défi c’est la création d’emplois dans l’économie.

Propos recueillis par Williams Vanseveren-Garnier