M. Hernu bonjour. Comme chacun le sait, vous êtes engagé depuis plus de 40 ans dans le combat politique des écologistes, quels regards portez-vous sur les résultats des élections européennes, vous qui étiez candidat aux élections européennes de 2004 ? Ne boudons pas le succès global de l’écologie qui profite aux Verts évidemment, à l’UMP également, laquelle enregistre le bénéfice de l’engagement autour du Grenelle. Il faut aussi ajouter le score passé inaperçu du rassemblement de Génération Ecologie et du MEI, 3,7%, qui, en d’autres saisons aurait été considéré comme remarquable compte tenu de la pression exercée en faveur des grandes formations. Mon expérience de 2004 comme celle de Corinne Lepage cette fois montre qu’un candidat écologiste n’est crédible que dans le cadre d’une formation qui, toute entière, inscrit vraiment le développement durable au cœur de son programme. Vous avez été l’un des cinq membres fondateurs de l’UMP, au travers la formation Ecologie Bleue, qui vient récemment de rejoindre Valeur Ecologie de M. Lepeltier. Comment expliquez-vous l’isolement des écologistes de Droite au sein de l’UMP et l’absence de candidat aux différents scrutins ? C’est le signe d’un certain manque de maturité de l’UMP. Soyons clair. Si l’UMP était devenu totalement crédible en matière de développement durable, cette formation aurait fait le supplément de voix qu’a engrangé Daniel Cohn-Bendit sur sa droite. Si l’on totalise les camps, l’électorat de gauche apparaît comme artificiellement renforcé, ce qui est paradoxal alors que la majorité présidentielle proclame sa victoire. Certes, les partis de gauche ne sont en réalité pas en mesure de proposer une alternative et les électeurs le savent. Le parti socialiste creuse encore plus profond son trou : en fait le centre droit et le PPE porte ce que devrait être aujourd’hui le programme de la social-démocratie. Quant aux Verts, récemment encore ils excluaient certains des candidats qui se retrouvaient au Modem pour les Européennes : ce parti voudrait substituer son monopole à celui du PS. Ce n’est pas un parti de rassemblement. Cohn-Bendit a rassemblé avec la complicité de Nicolas Hulot encouragé par certains stratèges de droite. Cela permet de donner l’impression au Président que son parti a pris le virage écologiste – il a raison de l’espérer et de l’y inciter - mais ce n’est pas encore complètement vrai. Sinon, Corinne Lepage n’aurait pas éprouvé le besoin de rejoindre François Bayrou. Il est dommage que la majorité présidentielle préfère les experts venus de gauche aux siens dont j’ai la faiblesse de penser qu’ils sont tout aussi compétents, sinon plus. Voilà pourquoi les écologistes authentiques de l’UMP sont relégués hors candidature, hors responsabilité. C’est une grave erreur. C’est pourquoi j’ai pensé avec Serge Lepeltier, avec François Grosdidier, notamment, que cela ne pouvait pas durer. Si la majorité présidentielle acceptait ses propres écologistes, nous aurions fait 5 points de plus et Dany Cohn-Bendit 5 points de moins. Attention aux prochaines élections ! Malgré la présence des amis de Nicolas Hulot à ses cotés, Cohn-Bendit n’apportera pas ses voix à Nicolas Sarkozy sinon son rassemblement éclatera comme naguère Génération Ecologie. D’autant que le projet de se reporter ensemble sur un autre président de la commission que Manuel Barroso semble avorté en raison de la victoire globale du PPE, ce qui pousse les Verts à la radicalisation au niveau européen. Que pensez-vous de l’action du Gouvernement en matière de politique environnementale et que préconisez-vous ? Le gouvernement a pris dans l’ensemble de bonnes décisions. Surtout pour ce qui concerne l’habitat. Pour ce qui concerne les mécanismes de marché et de prix indispensables pour engager ensemble, citoyens et entreprises, vers des comportement plus soutenables, je crains que le fait que de s’en remettre aux experts de la Fondation Nicolas Hulot conduise une fois de plus à reporter la taxe ou contribution climat-énergie à 2011 voire plus. Nous avons déjà beaucoup cédé aux intérêts fossiles dans la préparation de Copenhague. Jean-Louis Borloo qui a trouvé sur le bureau de la présidence française le paquet tout ficelé pouvait difficilement faire autrement sauf à faire tout échouer. Il a choisi la ligne de crête et s’en est très bien tiré. Mais, pour la taxe en France, en substitution des charges sur les salaires comme nous l’avons expliqué et proposé, depuis les années 90, dix ans avant le fameux pacte, il faut plus de clarté et choisir une fiscalité qui ne conduise pas à mettre en œuvre une usine à gaz. Cela passe par la nécessité de rechercher une valeur de référence du carbone qui ne soit pas celle qui ressort des marchés d’échanges de permis. Or, on s’apprête à exonérer les émissions lourdes pour ne pas taxer deux fois les grosses entreprises qui, compte tenu des engagements européens, restent dans un autre système ! Résultat : on s’oriente vers une bureaucratie de la contribution qui me paraît susceptible d’effets pervers. Je ne crois pas qu’on puisse faire coexister les marchés dites de « cap and trade » et la contribution sans égaliser les contributions de chaque tonne de carbone incorporé selon un barème commun. Il faut de la visibilité, de la transparence et de la simplicité. Cela implique que les solutions puissent s’intégrer dans les politiques européennes et dans la recherche d’une valeur carbone universelle à l’échelle internationale. Faute de cela, les efforts français risquent d’être du green-washing d’Etat sans incitation vraie à une extension de l’effort. Vous êtes également un économiste, quel regard portez-vous sur la crise et que suggérez-vous pour en sortir ? Je développe depuis trois ans l’idée que la crise, avérée comme actuellement, ou latente comme avant la question des subprimes, est en fait une crise non seulement du mode de développement, insuffisamment soutenable, mais aussi de la dépendance énergétique qui obère la certitude des pays déficitaires en fossile de pouvoir rembourser les dettes publiques contractées pour assurer la relance. Et donc, au final, nous assistons à une crise monétaire larvée, les monnaies dominantes ne présentant pas de contreparties inspirant une confiance suffisante. Que faire ? Régler cette question par priorité en adjoignant au dollar des certificats monétaires assis sur les réserves fossiles dont on gèle l’utilisation par des accords enregistrés par une banque de compensation carbone internationale. Cette mesure permettrait aux pays émergents d’accepter des sacrifices en échange d’une valorisation du sacrifice carbone qu’elles consentiraient. Cela réglerait la question de la valeur universelle de référence du carbone pour notre propre fiscalité. Enfin, cela introduirait une régulation du partage entre le développement des énergies renouvelables et la facilité en cas de décollage insuffisant de l’usage du fossile, comme on est censé actuellement réguler la monnaie avec les banques centrales et la préférence pour l’avenir avec les taux d’intérêt. Bien évidemment, il faut intégrer dans cette valorisation la valeur du carbone stocké dans le capital végétal, forêts et humus, car, en fait, plus encore que l’augmentation de la tenue en CO2 de l’atmosphère, c’est l’acidification des océans qui actuellement détruit la capacité des biosystèmes écologiques d’atténuer le choc de la dérive climatique. Une politique d’atténuation et d’adaptation n’est donc pas contradictoire avec une politique de lutte contre l’effet de serre. Elle doit intégrer au même niveau la protection de la biodiversité, des océans et la régulation globale du cycle de l’eau. C’est une nouvelle priorité. La crise, mais le terme est impropre, est une question totalement, et non pas partiellement comme j’entends même des Verts, à la question du modèle environnemental. Propos receuillis par Williams Vanseveren-Garnier
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Patrice Hernu : "Ne boudons pas le succès global de l'écologie"
Publié par NeM le 10.6.09
Thèmes : Interviews
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